Jacques Bainville by Le dix-huit Brumaire

Jacques Bainville by Le dix-huit Brumaire

Auteur:Le dix-huit Brumaire [Brumaire, Le dix-huit]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Librairie Hachette
Publié: 1924-12-31T23:00:00+00:00


Chapitre V : À Saint-Cloud, le 19

Avec les ténèbres, s'éloignèrent les angoisses et les défaillances. Lorsque Bonaparte sauta du lit, « la diane chantait dans la cour des casernes ». Les hommes d'action étaient dispos. Chez les autres, au contraire, chez ceux que nous avons déjà vus hésitants, la nuit avait encore porté conseil et leurs doutes n'étaient pas dissipés. Ils s'étaient plutôt accrus.

Mais la partie était engagée et il n'y avait plus qu'à jouer la partie. Les ordres de Bonaparte recevaient leur exécution. La cavalerie était en route pour Saint-Cloud, conduite par Murat. Le général Sérurier suivait avec les fantassins. Tout allait dépendre de l'élément militaire, et comment répondre de l'attitude de la troupe dans tous les cas qui pouvaient se produire ? Les grenadiers de la garde constitutionnelle étaient les moins sûrs. Il n'en fut envoyé à Saint-Cloud que la moitié environ, ceux, semble-t-il, qui n'étaient pas connus pour avoir des opinions trop jacobines.

Les Conseils étaient convoqués à Saint-Cloud pour midi. Le général eut encore le temps de recevoir des visiteurs. Ses compagnons d'armes s'empressaient. « Croyez-vous donc qu'on va se battre ? » leur disait-il en riant d'un air de confiance. Mais des amis dévoués tenaient à l'accompagner, à lui servir de gardes du corps. Berthier, qui avait un clou et souffrait horriblement, insista pour être de la partie. Il fallut enjoindre à Lannes, dont une blessure s'était réveillée, de rester dans sa chambre. On emmena aussi Gardanne qui aimait le général et que le général aimait bien. C'était un homme de Marseille qui avait l'air peu martial. Il avait un gros ventre et le souffle court. Mais il ne manquait pas de coup d'oeil. Lui et Berthier rendraient service au moment psychologique.

Bonaparte avait moins de satisfaction avec les civils. Il connaissait leurs hésitations et leurs murmures. Cambacérès, qui avait déjà fait tant d'objections, était venu rue de la Victoire pour en apporter de nouvelles et pour prodiguer les conseils de prudence. N'ayant pas assisté à la délibération nocturne de la veille, il était d'abord allé chez Chazal et s'était enquis des décisions prises. « On n'est fixé sur rien, lui avait répondu Chazal. Je ne sais trop comment tout cela finira ». Cambacérès était inquiet et ne fut pas plus tranquille après avoir vu Bonaparte, au point qu'il crut bon de contracter une sorte d'assurance contre les risques de la journée. Si les choses tournaient mal à Saint-Cloud, les complices restés à Paris seraient en péril. Et les choses pouvaient mal tourner. Bonaparte pouvait être arrêté ou assassiné. Sieyès n'avait-il pas fait préparer une bonne chaise de poste qui l'attendrait non loin de l'Orangerie pour l'emmener en cas d'échec ? Cambacérès songea que la vengeance des jacobins ne manquerait pas d'atteindre ceux qui s'étaient, comme lui, compromis dans l'aventure. Après avoir quitté la rue de la Victoire, ayant trouvé Bonaparte inaccessible à ses craintes, il se mit en quête d'hommes capables d'organiser comme un coup d'État de rechange. À qui Cambacérès pensa-t-il ? Peut-être à Moreau.



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