Inconnu(e) by Inconnu(e)

Inconnu(e) by Inconnu(e)

Auteur:Inconnu(e)
La langue: fra
Format: epub


Chapitre quatorze

A l’horizontale ou à la verticale.

Il est déjà 23 heures 05. Je suis dans mon trou. J’ai commencé à creuser les parois à l’aide du marteau-piqueur. C’est un travail épuisant. Adossé à la paroi opposée, il faut tenir l’engin à l’horizontale et pousser, avec les trépidations qui se répercutent dans les avant-bras et dans les épaules. La terre s’éboule par gros blocs sur mes bottes ; cela fait un bruit de caoutchouc creux, comme celui d’un ballon crevé. Lorsqu’il y en a trop, je m’arrête pour déblayer. C’est un bon prétexte, la terre, pour se reposer. On se dit qu’on ne peut pas faire autrement ; le trou est trop étroit. Avec la pelle, je m’évertue à charger l’un des seaux de plastique gris. Dans un espace d’un mètre de côté ce n’est pas chose facile ; de quelque façon que je m’y prenne, le manche de la pelle cogne partout. J’ai le seau presque entre les jambes mais il n’y a pas d’autre solution. Ce qu’il faudrait, dans un trou comme celui-ci, c’est une pelle sans manche ; mais je laisse penser à l’absurdité d’un outil de cette sorte. Pourtant je songe que raccourcir le manche ne serait peut-être pas une mauvaise idée – il suffirait d’un coup de scie – et chaque fois que je remplis un nouveau seau je me dis que je vais le faire pour le prochain ; mais dès que je l’ai remonté sur le bord je reprends le marteau-piqueur et m’y remets. C’est ainsi que les bonnes résolutions sont sans cesse reportées d’une fois sur l’autre ; ça ira encore pour cette fois-ci, se dit-on. En outre je réfléchis qu’arrivera bientôt un moment – lorsque le trou sera suffisamment élargi – où un manche raccourci ne sera plus nécessaire ; peut-être alors me féliciterai-je d’avoir conservé un manche long, avec un bras de levier beaucoup plus efficace. Je m’accommode donc stoïquement de la longueur du manche de ma pelle et de l’étroitesse de mon trou, dans l’espoir d’un avenir meilleur.

Si je travaille aussi tard, c’est pour rattraper le temps perdu, parce que je n’ai pratiquement rien pu faire de la journée. Le matin, comme on sait, j’avais élaboré le plan de la chambre ; puis Marianne et Jean-Louis étaient venus et lorsqu’ils étaient sur le point de repartir – après que nous avions bu nos deux verres d’apéro – je leur ai proposé impromptu de rester déjeuner avec moi, bien que je n’aie rien d’autre à leur offrir qu’une boîte de pâté et un œuf, un pique-nique sur le pouce, quoi, improvisé comme nous faisions de temps en temps, plutôt qu’un vrai repas. Je m’étonne toujours de la manière dont je fonctionne dans ces cas-là : même lorsque je n’ai pas souhaité voir les gens, qu’ils me dérangent, au moment où ils vont s’en aller j’ai envie soudain qu’ils restent et je leur propose des trucs de ce genre, même si je n’ai rien à manger. Évidemment Marianne et Jean-Louis, eux, avaient prévu tout ce qu’il fallait pour leur déjeuner.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.