Iboy by Kevin Brooks

Auteur:Kevin Brooks
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: La Martinière Jeunesse
Publié: 2017-01-31T05:00:00+00:00

Je me déconnectai, rouvris les yeux et me levai prudemment pour retourner chez moi.

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Si j’étais damné de corps et d’âme, Je sais quelles prières me rendraient à moi-même…

Rudyard Kipling

Mother o’Mine (1891)

Gram était dans le salon en train de regarder la télé quand je rentrai. Elle avait l’air encore plus exténuée que d’habitude – elle était pâle, son visage était trop maigre, ses yeux trop fatigués, sa peau trop fripée pour son âge. Elle n’était pas si vieille – cinquante-quatre ans –, mais elle n’avait pas eu la vie facile, et les années de galère avaient laissé leur empreinte sur elle.

Elle avait passé le plus clair de sa vie toute seule.

De même que j’ignorais l’identité de mon père, ma mère n’avait pas connu le sien. Si bien que Gram avait passé l’essentiel de son existence d’adulte en mère célibataire, élevant seule sa fille, ou en grand-mère célibataire, élevant seule le rejeton de sa fille décédée. Elle avait fait tout ça tout en essayant de gagner sa vie avec un job qui payait mal et ne lui procurait pas beaucoup de satisfaction.

– Hé, Gram, lançai-je en m’asseyant à côté d’elle. Qu’est-ce que tu regardes ?

– Les nouvelles, répondit-elle en baissant le son. Comment va Lucy ?

– Ça va, je crois… enfin, pas trop mal…

Gram hocha la tête.

– Et toi ? Ta tête ?

– Ça va… pas de problèmes.

– Tu es sûr ?

– Oui.

– Pas de vertiges, rien ?

– Non.

(Juste un monde de merveilles et de folie.)

– Pas de maux de tête ?

– Non.

(Juste des coups de fil, des mails, des textos, des sites Internet…)

– Tu n’entends plus de voix alors ?

Je la dévisageai.

– Quoi ?

– Je plaisantais, Tommy, fit-elle en souriant.

– D’accord… Très drôle !

Elle posa sa main sur mon genou.

– Je suis contente que tu te sentes mieux, mon chéri. J’étais tellement inquiète quand tu étais à l’hôpital. J’ai eu peur… enfin tu sais… que…

Elle laissa sa phrase en suspens et essuya une larme au coin de son œil. Je savais qu’elle pensait à ma mère, à sa fille… et j’avais du mal à m’imaginer à quel point ça avait dû être dur pour elle pendant mon hospitalisation, lorsqu’elle était assise à mon chevet des heures durant à se demander si j’allais y rester…

Je glissai les bras autour de son cou et calai ma tête contre la sienne.

– Te fais pas de souci, Gram, dis-je à voix basse. Ça va aller très bien, je te promets.

Elle me sourit à travers ses larmes.

– Y a intérêt !

– Fais-moi confiance… J’ai l’intention de vivre jusqu’à ce que je sois au moins aussi vieux que toi…

Elle éclata de rire en me tapant gentiment sur la cuisse, après quoi elle sortit un mouchoir de sa poche et s’essuya les yeux. J’avais envie de lui poser un tas de questions, à propos de ma mère, mais je savais qu’elle refuserait de m’en parler. Elle répugnait à évoquer ce qui était arrivé à maman. C’était trop pour elle à mon avis. Trop pénible, trop triste… je pouvais le comprendre.

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