Iboga by Blanchard Christian

Auteur:Blanchard,Christian [Blanchard,Christian]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Thriller
Éditeur: Belfond
Publié: 2018-01-25T00:00:00+00:00

Une sirène retentit. Mon souvenir s’efface brutalement. Un rêve vécu. Je me redresse sur mon lit. Je suis perturbé. J’entends hurler le gardien.

— Debout ! Debout ! Lève ton cul de négro ! Bouge ! Bouge !

Pas assez rapide.

La porte s’ouvre puis la grille. Chef Martin entre comme une furie dans ma cellule. Il n’attend pas que je me réveille. Il me jette au sol. Les coups pleuvent.

— Je t’ai dit de bouger ton cul ! Va au fond de la cellule ! Bouge !

Je rampe comme je peux et me recroqueville contre le mur. Le Chef Martin me passe les menottes. Il lève encore le bras. Le coup ne tombe pas. Je vois la main puissante de Monsieur retenir son bras.

— On ne frappe pas un homme à terre. Il a reçu ce qu’il fallait. Pas la peine d’en rajouter.

Le regard du Chef Martin est assassin.

Je bafouille en demandant l’heure à Monsieur.

— Trois heures du matin.

La Louisette est de retour. C’est l’heure. Panique. Ils vont me saisir par les aisselles, me traîner jusqu’à la chaise installée au bout du couloir. Tête rasée. Dernière cigarette… Un dernier verre de rhum. Je vais revoir l’aumônier dans son habit de corbeau faire un signe de croix, marmonner des mots incompréhensibles… Je sens la graisse et la limaille de la guillotine.

— Tu vas sortir, Jeff le Négro ! Bordel !

Monsieur me prend le bras.

— Fouille au corps… et fouille complète de la cellule. Ce sont les ordres.

Le Chef Martin me fixe.

— Toi, fais la chambre. Moi, je m’occupe du négro.

Putain de peur ! La fin… J’ai cru la voir, là, devant moi, avec son couperet astiqué, luisant et prêt à l’emploi.

Nu dans le couloir, je tremble encore. Les jambes écartées. Je me baisse et pousse légèrement. Je vois le faisceau de la lampe torche et entends la voix du Chef Martin.

— Si je vois quelque chose que je ne devrais pas, je te l’enfonce profond avec la clé de sécurité.

Je ferme les yeux. Durant un bref instant, je vois le gardien attaché à l’arbre, à la place de la jeune fille. Les sensations ne sont pas les mêmes. Pas de préliminaires. Je lui enfonce la lame dans le cœur. Travail vite fait bien fait, sans fioritures. Fin du suspense. Monsieur me pose la main sur l’épaule et me remercie du geste. J’essuie la lame sur la chemise du Chef Martin et lui crache au visage.

Il baisse sa lampe et m’ordonne de retourner dans ma cellule.

Tout est sens dessus dessous.

Monsieur referme la grille. En fermant la porte, il me dit que j’ai tout le temps pour ranger. Aucun parloir n’est prévu cette semaine.

Plus envie de retourner dans la forêt. Les souvenirs attendront pour resurgir. Quant à la jeune fille, elle aussi, elle peut attendre mon retour. Elle n’a pas le choix. Vu ce qu’elle est devenue, elle n’a pas le choix.

Je remets mon matelas sur le sommier en béton. Je rangerai le reste plus tard. Je n’ai pas grand-chose.

Je m’allonge mais n’arrive pas à trouver le sommeil.

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