Hiver noir by Ekbäck

Hiver noir by Ekbäck

Auteur:Ekbäck
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Terra Nova
Publié: 2015-02-08T00:00:00+00:00


34

— Madame n’est pas à la maison, dit la bonne en faisant la révérence, ce qui fit tomber son bonnet de lin sur l’œil.

— Je comprends, dit le prêtre. Savez-vous quand elle va revenir ?

— Oh ! mais j’en sais rien. Elle est partie sur la côte. Peut-être demain ou le jour d’après.

La bonne fit une nouvelle courbette.

Sur la côte ? Un bien long voyage.

— Je l’ai vue récemment et elle n’a pas parlé de s’absenter.

— Cela s’est fait au dernier moment. Il y a six jours, j’ai dû faire ses valises aussitôt.

Le prêtre descendit les marches du perron. L’hiver n’était pas la bonne période pour se déplacer si l’on pouvait l’éviter. Et on ne faisait pas ce genre de périple sur un coup de tête. Les réserves étaient provisionnées bien à l’avance. Si l’on avait besoin de quelque chose, on l’empruntait en attendant le prochain marché. Un malade parmi les membres de sa famille peut-être ?

Il faisait noir quand il traversa la pelouse de l’église. Ce n’était pas le ciel, mais les ténèbres qui semblaient flotter dans l’air. Pas de lumières dans la maison du sacristain. Il aurait bien aimé lui parler. De retour chez lui, il reprit sa place près de la cheminée. Le lendemain, il s’entretiendrait avec son fermier, lui demanderait comment allaient les animaux. Il parlerait aussi avec sa gouvernante.

Les murs du presbytère temporaire craquèrent. Il se demandait comment Maija et ses filles s’en sortaient. Si seulement leur maison avait été plus solide. Le froid s’infiltrait par les fentes et les interstices, les vitres étaient fines. Le verre fin, dans son esprit, était associé à l’opulence.

Il se rappelait le bruit du verre brisé sous ses chaussures empruntées quand il était enfant. Tout Stockholm savait qu’une nuit, le roi et ses amis avaient jeté des pierres sur les fenêtres des personnes qu’ils appréciaient. Leur conception de la plaisanterie, apparemment. Un soir, en rentrant chez lui, il les avait vus à l’œuvre. Ils venaient dans sa direction, vêtus de leurs jaquettes de soie colorées aux manches de velours. Deux d’entre eux portaient des chapeaux. Le roi avait perdu le sien. Ils marchaient bras dessus, bras dessous, riaient, criaient, se bousculaient. Le prêtre, immobile sur le lit de bris de verre, les avait observés. Envieux, il s’en rendait compte aujourd’hui.

Déjà, à cette époque, il rêvait d’être l’un des leurs. L’un des hommes du roi l’avait repéré et s’était approché de lui. Il s’était penché pour étudier son visage de près. Son manteau portait des boutons argentés. Puis, il lui avait tiré la langue.

Le gamin qu’il était avait filé chez lui en courant.

Ils ne m’ont jamais considéré comme l’un des leurs, se dit-il. Pourtant, il se croyait accepté, et pas seulement par le monarque. Était-ce réellement le roi qui avait demandé son renvoi ? Non, il ne pouvait y croire.

La pièce lui paraissait plus grande, ce soir. Le feu ne parvenait pas à en éclairer tous les recoins. Les chaises criaient leur vide. La gouvernante était peut-être encore éveillée.

Une odeur de chou bouilli emplissait le couloir obscur qui menait à la cuisine.



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