Histoire d'O by Pauline Réage

Histoire d'O by Pauline Réage

Auteur:Pauline Réage [Réage, Pauline]
La langue: fra
Format: epub
Tags: ÉROTISME
Publié: 2011-05-15T11:06:28+00:00


Ce fut le temps où Jacqueline, outre son métier intermittent de modèle, commença d’exercer un métier non moins irrégulier, mais plus absorbant : elle fut engagée pour tourner de petits rôles. Il était difficile de savoir si elle en était fière ou non, si elle y voyait ou non le premier pas dans une carrière où elle eût désiré devenir célèbre. Elle s’arrachait du lit le matin, avec plus de rage que d’élan, se douchait et se fardait à la hâte, n’acceptait que la brande tasse de café noir qu’O avait eu juste le temps de lui préparer, et se laissait baiser le bout des doigts, avec un sourire machinal et un regard plein de rancune : O était douce et tiède dans sa robe de chambre de vigogne blanche, les cheveux brossés, le visage lavé, l’air de quelqu’un qui va dormir encore. Pourtant ce n’était pas vrai. O n’avait pas encore osé expliquer pourquoi à Jacqueline. La vérité était que chacun des jours où Jacqueline partait, à l’heure où les enfants vont en classe et les petits employés à leur bureau, pour le studio de Boulogne où elle tournait, O qui jadis en effet demeurait chez elle presque toute la matinée s’habillait à son tour : « Je vous envoie ma voiture, avait dit Sir Stephen, elle emmènera Jacqueline à Boulogne, puis reviendra vous chercher. » Si bien qu’O se trouva se rendre chaque matin chez Sir Stephen, quand le soleil sur sa route ne frappait encore que l’est des façades ; les autres murs étaient frais, mais dans les jardins l’ombre se raccourcissait sous les arbres. Rue de Poitiers, le ménage n’était pas fini. Norah la mulâtresse conduisait O dans la chambre où le premier soir Sir Stephen l’avait laissée dormir et pleurer seule, attendait qu’O eût déposé ses gants, son sac et ses vêtements, sur le lit pour les prendre et les ranger devant O dans un placard dont elle gardait la clef, puis ayant donné à O des mules à hauts talons, vernies, qui claquaient quand elle marchait, la précédait, ouvrant les portes devant elle, jusqu’à la porte du bureau de Sir Stephen, où elle s’effaçait pour la faire passer. O ne s’habitua jamais à ses préparatifs, et se mettre nue devant cette vieille femme patiente qui ne lui parlait pas et la regardait à peine, lui semblait aussi redoutable que d’être nue à Roissy sous les regards des valets. Sur des chaussons de feutre, comme une religieuse, la vieille mulâtresse glissait en silence. O ne pouvait quitter des yeux, tout le temps qu’elle la suivait, les deux pointes de son madras, et chaque fois qu’elle ouvrait une porte, sur la poignée de porcelaine sa main bistre et maigre, qui semblait dure comme du vieux bois. En même temps, par un sentiment absolument opposé à l’effroi qu’elle-lui inspirait – et dont O ne s’expliquait pas la contradiction –, O éprouvait une sorte de fierté à ce que cette servante de Sir Stephen (qu’était-elle à Sir Stephen,



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