Histoire des techniques by Guillaume Carnino & Liliane Hilaire-Pérez & Aleksandra Kobiljski

Histoire des techniques by Guillaume Carnino & Liliane Hilaire-Pérez & Aleksandra Kobiljski

Auteur:Guillaume Carnino & Liliane Hilaire-Pérez & Aleksandra Kobiljski [Carnino, Guillaume]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Presses Universitaires de France (puf)
Publié: 2016-11-15T23:00:00+00:00


Approche de la mondialisation des savoirs nautiques

à l’époque moderne

Si l’expansion des Ibériques repose sur la synthèse d’éléments techniques nautiques présents dans différents espaces maritimes du continent européen, la phase suivante correspond à la mondialisation de ces acquis et à leur rencontre avec des savoirs et des savoir-faire étrangers. La mesure de cette altérité technique a été peu entreprise. Le poids encore très important des notions de puissance et d’hégémonie navale dans l’historiographie impériale occidentale a interdit non seulement d’envisager une bonne acclimatation des techniques européennes sur des embarcations étrangères mais également un transfert du faible au fort, autrement dit un apport autochtone aux procédés de construction occidentaux. D’autre part, l’intérêt, jusqu’à récemment, pour le navire seul a retardé une approche concrète de sa mise en œuvre et il s’avère que les travaux consacrés à la nature des acteurs mobilisés sur les chantiers et leurs savoir-faire restent peu nombreux. En outre, lorsque des échanges techniques intercontinentaux, notamment entre l’Europe et le reste du Monde, sont documentés, il ne s’agit pas d’omettre ceux qui continuent d’exister à l’échelle d’un continent, sans la médiation européenne. Ainsi, des découvertes archéologiques ont mis en évidence des transferts techniques réguliers entre la Chine, la Corée, le Royaume des Ryūkyū et le Japon entre le XIIIe et le XVIIIe siècle, donnant naissance à un modèle de navire hybride avec quille, bordés superposés, cloués ou vissés, et disposant de compartiments dans la cale (Manguin, 2011). L’arrivée des Européens n’a donc pas ralenti des transferts techniques anciens entre la Chine et la Corée, ce dernier État disposant d’une longue tradition nautique, ni entravé de nouveaux, notamment avec le Royaume des Ryūkyū, qui accueille des familles du Fujian pour soutenir le développement de son commerce maritime régional au XVe siècle, ou le Japon dans le contexte des rivalités des XVe et XVIe siècles.

Dès lors, les espaces traversés par les Européens, a fortiori de l’océan Indien à l’océan Pacifique, sont éminemment connectés et sillonnés par d’importantes flottes commerciales adaptées à leurs usages et dont la diversité des carènes et des tonnages correspond à ce que l’on peut observer en Europe à la même époque. Seules les modalités de construction diffèrent puisque les qarib arabes, des embarcations légères considérées proches des caravelles ibériques (Subrahmanyam et Markovits, 2012), les jonques ou les très nombreux bâtiments régionaux ont en commun d’avoir une architecture assemblée par des cordages et des chevilles de bois, un procédé qui semble de prime abord les disqualifier dans le contexte d’un affrontement avec les navires occidentaux aux coques percées de clous et de chevilles métalliques et équipés de pièces d’artillerie. Cette asymétrie technique n’est peut-être pas aussi radicale comme l’indiquent de récentes recherches archéologiques et le développement de l’histoire maritime asiatique qui démontrent l’existence du clouage et du chevillage métallique pour assembler les bordés à la coque de certains navires chinois, au moins depuis les grands développements des flottes commerciale et militaire sous la dynastie des Song (960-1279).

Nonobstant, ce différentiel technique ne conduit pas à un statu quo comme le montrent les fréquentes passes d’armes entre les Européens et les puissances régionales.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.