Histoire de la Tunisie (French Edition) by Bessis Sophie

Histoire de la Tunisie (French Edition) by Bessis Sophie

Auteur:Bessis, Sophie [Bessis, Sophie]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Tallandier
Publié: 2019-02-06T16:00:00+00:00


L’INSTALLATION DES INSTRUMENTS DE LA DOMINATION, 1883-1918

Si, aux débuts de sa tutelle directe et vu la faiblesse numérique de sa population sur place, la France ne donne pas le tempo de la vie culturelle européenne, c’est aussi que ses priorités sont ailleurs. Une fois encore, comparaison n’est pas raison. Mais, comme on l’a souligné en rappelant la parenté des causes qui ont au long des siècles tracé un fil entre les révoltes rurales successives, les entreprises coloniales peuvent revêtir des habits similaires au-delà des millénaires, des contextes et des circonstances qui les séparent. Occupation, exploitation, romanisation, c’est au travers de ce triptyque que nous avons décrit dans la première partie de cet ouvrage la longue colonisation romaine qui, à bien des égards, a rempli les objectifs qu’elle s’était fixés. La France, à la fin du XIX e siècle, poursuit les mêmes dans l’ancienne Proconsulaire. Occupation, exploitation, francisation sont les maîtres mots de ce que ses thuriféraires ont appelé son « œuvre » en Tunisie. D’ailleurs, et on l’a déjà mentionné, ceux-là n’ont eu de cesse de brandir leur filiation supposée avec le grand empire de l’Antiquité et l’historiographie coloniale est en partie un argumentaire de la théorie du « retour » de la France sur cette terre latine qu’elle s’est donné pour devoir de récupérer.

L’occupation, premier volet du triptyque, s’est effectuée en peu de temps. La francisation s’est quant à elle faite à son rythme, bouleversant les références et les modes de vie de certains pans de la population, affectant de façon plus ou moins importante les couches sociales les plus aisées, mais elle est demeurée une entreprise inachevée, ne touchant qu’à la marge les ruraux et les couches populaires. S’il était nécessaire de franciser les élites, la masse pouvait demeurer en dehors du mouvement à condition de se soumettre aux logiques économiques de la domination. Les autorités françaises ont d’ailleurs pris soin, dès les premières heures de leur mainmise sur la Régence, de ne heurter ni les grandes familles du makhzen, ni les notables provinciaux, ni les gestionnaires du religieux, en leur laissant le contrôle du corps social en contrepartie de leur allégeance. Et la France, si pressée de légiférer dans tous les domaines, s’est toujours gardée de toucher à la législation religieuse en matière de droit personnel. La population française installée dans la Régence s’est elle-même divisée entre les tenants de l’extension de l’instruction à l’ensemble des autochtones, en général recrutés à gauche, et ses segments les plus droitiers emmenés par le « lobby » colonial qui ont à maintes reprises critiqué le souhait de certains, à leurs yeux dangereux, de diffuser chez les indigènes – par le biais de l’éducation – la culture et les valeurs universalistes de la république métropolitaine6 . L’exploitation, en revanche, a été érigée d’emblée en priorité. C’est dans ce but que la Régence a été conquise et, dès 1881, tout est mis en œuvre pour réaliser cet objectif auquel sont soumis tous les autres. Certes, au regard de l’Algérie, de l’Indochine ou



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