Histoire de France (Vol 15) 1661-1690 by Histoire de France - Jules Michelet

Histoire de France (Vol 15) 1661-1690 by Histoire de France - Jules Michelet

Auteur:Histoire de France - Jules Michelet [Michelet, Histoire de France - Jules]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2014-03-25T23:00:00+00:00


Je m'étonne fort peu de voir l'horreur et la frayeur qu'éprouvait l'Angleterre pour ce système étrange. Elle frémissait de sentir autour d'elle et sous elle gronder ce monde de la nuit. Même avant la paix générale, dès que le roi eut brisé la ligue en détachant la Hollande, il se trouva redoutable pour tous. L'Angleterre le voyait venir menaçant, corrupteur, achetant Charles II et les ennemis de Charles II, gâtant et pourrissant ses lords par les Jésuites, et préparant un nouveau roi.

Trois ou quatre ans avant les premières dragonnades, vers 1677, s'organisèrent en France les nombreuses maisons où l'on jetait les filles protestantes. La plus barbare mesure de la persécution, l'enlèvement des enfants, fut révélée ainsi dans son immense extension. Nos voisins purent comprendre qu'en ce système, ce n'était pas l'État seulement, mais la famille qui était menacée. On compta bientôt une foule de ces couvents-prisons. Dans celui de Paris, sous les yeux du public, on employait toutes les séductions de la douceur. Mais les autres, au loin, furent des maisons de force pour dompter les rebelles. Les parents, sur tous les rivages d'Angleterre, abordaient éperdus, désolés pour toujours. Cela parlait assez. La pitié, la terreur, agitaient tout le peuple. Partout, dans les rues, les cafés (très-récemment créés), vous auriez rencontré des figures sombres, de petits groupes conversant à voix basse, discutant, préparant les moyens de la résistance.

«Vaine panique,» dit-on. Pourquoi vaine? On la juge telle, parce qu'elle empêcha ce qu'elle craignait. L'Angleterre fut comme un taureau que le loup vient flairer la nuit. Il frappe de la corne au hasard et frappe mal; mais ses coups fortuits, qui montrent sa force et sa fureur, donnent à penser à l'assaillant.

Grande est ici la légèreté des historiens. Ils affirment d'abord que le complot papiste fut une fable. Puis ils prouvent eux-mêmes qu'on ne peut affirmer, l'accusé principal ayant eu le temps de brûler ses papiers. Dans le seul qu'il ne brûla pas, ce Coleman, secrétaire de la duchesse d'York et des Jésuites, demande secours à la Chaise pour frapper le plus grand coup qu'ait reçu le protestantisme.

Le complot très-réel fut la trahison des deux frères, Charles II, Jacques II, qui, vingt-cinq ans durant, annulèrent l'Angleterre ou même la vendirent à la France. L'hôtel d'York, le centre des Jésuites, fut une manufacture de traîtres.

«Mais, dit-on, les Jésuites condamnés protestèrent de leur innocence.» L'accusateur Bedloe, qui meurt de maladie, jure aussi en mourant qu'il a dit vérité. Qui croirai-je? Je suis habitué, dans les procès anglais, à voir jurer ces Pères, et contre des choses prouvées. Ils jurèrent sous Élisabeth. Ils jurèrent sous Jacques Ier. Il n'en durait pas moins, pour les démentir, au milieu de Londres, le monument de la trop certaine Conspiration des poudres. (V. plus haut.)

Ici les preuves étaient moins sûres; l'Angleterre eût mieux fait de ne point les frapper. Mais elle fit très-bien de désarmer les catholiques. La funèbre et terrible procession qui exalta le peuple autour du juge assassiné, cette grande machine populaire eut un effet immense pour le salut de l'Angleterre.



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