Haïti a mal à sa pauvreté by Michel Martin Eugène - Préface de Louis Naud Pierre

Auteur:Michel Martin Eugène - Préface de Louis Naud Pierre
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782336902296
Éditeur: L'Harmattan
Publié: 2020-12-07T16:00:00+00:00

Locus de contrôle

L’homo haitianus semble aussi perdre le contrôle sur sa « destinée » et sur les événements qui façonnent sa vie. Il pense ne pas détenir de prégnance sur ce qui lui arrive, qu’une force supérieure est l’artisan de son histoire ou que l’autre a tout le mérite ou tout le blâme de ce qui lui arrive. Le « bondieubonnisme » (il dit que Dieu est bon) et la projection de son tort sur les autres se classent dans la même dynamique : il a un « locus de contrôle » extérieur. Il a tendance à projeter ses responsabilités sur l’autre. C’est un mécanisme de survie puissant qui protège contre le sentiment de culpabilité. Il peut être très précieux et vital dans la dynamique d’un individu qui est exposé continuellement à ses échecs, à ses limites, à ses insuffisances, ce qui est le cas dans la pauvreté. Des étrangers sont interloqués par les conditions de vie précaires de l’Haïtien moyen et le très faible taux de suicide en Haïti. Plusieurs cliniciens l’expliquent par le locus de contrôle externe. Vu qu’il ne se sent pas pleinement responsable de son malheur, il y a moins de chance qu’il tourne sa colère contre lui-même, ce qui aurait pu l’emmener à l’auto-agression fatale.

Le lieu de contrôle extérieur de l’homo haitianus s’observe tant au niveau individuel qu’au niveau collectif. Haïti a tendance à attribuer la responsabilité de ses déboires à d’autres nations, à la géopolitique du grand voisin du nord de l’Amérique et, de manière plus caricaturale, à des complots internationaux. Il est vrai qu’Haïti, dès sa naissance, a du faire face à une coalition internationale contre la réussite de ce projet d’anciens esclaves noirs qui mettaient en danger d’immenses intérêts des nations colonialistes et esclavagistes. C’était l’exemple à ne pas suivre. Elles ont tout fait pour discréditer le projet Haïti. Seul peuple noir indépendant de la Caraïbe, Haïti était considérée comme le mauvais exemple que les puissances travaillaient à isoler et à asphyxier, afin de bloquer l’avancée des mouvements nationalistes anticoloniaux.

De plus, du fait de l’incapacité chronique d’Haïti à se donner un pacte de gouvernance réunifiant tous les clans, toutes les factions, toutes les classes sociales, du fait des luttes intestines successives, les étrangers interviennent directement dans la gestion des affaires publiques. Cet état de fait renforce la tendance à mettre au compte des puissances étrangères les malheurs d’Haïti. L’échec des plans plus ou moins bien conçus et plus ou moins bien mis en application sont attribués aux puissances étrangères, tout comme l’incapacité de plus en plus criante à faire face aux catastrophes naturelles ; d’autant plus que le pullulement des ONG venant des pays du nord, l’absence de coordination de leur travail sur le terrain, le gaspillage de fonds importants dans de petites initiatives manifestement sans lendemain témoignent du mépris et de l’hypocrisie des puissances étrangères vis-à-vis des gouvernements d’Haïti.

L’élite en fait un sujet de lutte ; de temps à autre au fil de l’histoire, elle critique vertement la communauté des nations (communauté internationale) en hordes dispersées.

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