Gros plan du macchabée by Léo Malet

Gros plan du macchabée by Léo Malet

Auteur:Léo Malet [Malet, Léo]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: calibre
Publié: 2012-07-13T22:00:00+00:00


CHAPITRE XI

HAPPY END

Sans plus tarder, je partis en quête du metteur en scène. Il était susceptible de me tuyauter sur certain personnage dont, à tort ou à raison, j’attendais beaucoup.

Je fis chou blanc sur le plateau, obscur et abandonné. Un individu que j’avisai dans un couloir voisin, en train de fumer une cigarette sous un vaste écriteau prohibant formellement ce genre d’exercices, m’apprit que Marcel Naudot avait regagné son bureau. Il m’en indiqua le chemin.

Je trouvai le metteur en scène entouré de quelques membres de son équipe. Un rapide regard circulaire me convainquit que celui que je cherchais ne figurait pas parmi eux. Ils tiraient des plans pour la poursuite coûte que coûte de la réalisation du film. La disparition de la vedette masculine, alors qu’une bonne moitié du travail était faite, posait des problèmes ardus n’inclinant pas à la folâtrerie. L’ambiance s’en ressentait.

Tout d’abord, le cinéaste ne me reconnut pas sous mon aspect normal et, lorsque je lui eus rafraîchi la mémoire, ce frégolisme accrut sa morosité.

— Dites donc, fis-je le plus aimablement possible, je profite des circonstances pour m’occuper de mes affaires personnelles. Il me semble avoir reconnu un de mes vieux copains en votre chef opérateur. C’est bien celui qui porte un monocle noir, hein ?

— Pour les nécessités du travail, oui, répondit-il. Ne croyez pas qu’Aulagnier soit borgne.

— Je ne pense rien de semblable. Mais s’il s’appelle Aulagnier, ce n’est pas mon copain. Le nom de mon copain, c’est Daumas. C’est formidable comme il lui ressemble. Vous ne savez pas où je pourrais le voir ? Ça peut l’intéresser d’avoir un sosie.

Il avait déjà été fait un usage fréquent de proverbes récemment. Rien ne s’opposait à ce qu’on continuât. Donc : « Tous les chemins mènent à Rome » et « Il existe un Bon Dieu pour les ivrognes. » Les dipsomanes de mon acabit, lorsqu’ils ont décidé d’aller au bar, même s’ils abandonnent cette idée parce qu’une chose est plus nécessaire qu’une autre, finissent par y être conduits par des chemins détournés.

— Il doit être au labo en train de développer ce que nous avons tourné aujourd’hui, ou au bar…

Il sauta sur l’occasion de me faire jouer le rôle de domestique.

— Si vous le voyez, dites-lui de se grouiller de nous rejoindre. Nous aimerions l’avoir avec nous pour discuter…

— Je m’en fus en premier lieu au bar parce que j’en connaissais l’emplacement. L’opérateur ne s’y trouvait pas. La barmaid, à qui il me fallut me faire reconnaître et qui ne parut pas me trouver plus joli garçon que sous mon maquillage, m’indiqua le chemin du laboratoire.

— Si vous avez le pied alpin, ça ira tout seul, dit-elle. C’est au dernier étage, sous les combles. Prenez l’ascenseur jusqu’au sixième et suivez les flèches. On en a tracé exprès pour les petits Poucets de votre espèce. Elles vous conduiront à une porte métallique marquée « D ». Cette lettre, c’est la désignation du grand plateau. Ça signifie aussi : Danger, dans un sens. Parce que, à ce moment, faites gaffe de ne pas tomber.



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