Gestapo & Chocolat by Claude Raucy

Gestapo & Chocolat by Claude Raucy

Auteur:Claude Raucy
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Memory
Publié: 2013-11-15T00:00:00+00:00


filets de sébaste

Oui, j’ai été rue Lauriston. Il le fallait.

Voyage direct rapide et confortable. J’apprécie le copieux petit déjeuner que me sert un noir souriant comme pour une pub de dentifrice. J’apprécie moins Paris. Le métro est bondé, plein de gens indifférents aux gens. Je change à Châtelet, me perds, me retrouve. Je déteste les villes. Je sens bien que je n’aime pas Paris. Trop de monde, trop d’indifférence.

L’Arc de Triomphe me paraît bien plus petit que dans mes rêves ou la télé. Victor Hugo méritait plus grand. Je pense au pilote un peu fou qui est passé en dessous malgré l’interdiction. C’est comme cela que j’aurais rêvé ma vie, en relevant des défis, mais j’en suis loin, malgré les risques financiers du commerce de la soie. Y penser me fait sourire. Chaque fois que je dis ce que je fais, on a de grands yeux admiratifs. Le commerce de la soie, ben dis donc ! On me prend sans doute pour un riche marchand lyonnais ou peut-être pour un Chinois de je ne sais quelle dynastie. Mais non, je n’ai pas les yeux adéquats.

La rue Lauriston est toute proche. Une rue sans âme. Une rue où rien ne parle de la torture. Des maisons qui ne ressemblent à rien et surtout pas à un drame.

Je connais le numéro. Il s’est imposé à ma mémoire. 93. Une plaque :

En hommage aux résistants torturés dans cette maison durant l’occupation 1940-1944 par des Français, agents auxiliaires de la Gestapo du groupe dit « Bonny-Lafont ».

Je ne parviens pas à réprimer un frisson. On ne parle pas de police.

Et maintenant ? A quoi bon relire la plaque jusqu’à l’apprendre par coeur ? Et pourquoi continuer à lever les yeux vers des fenêtres où il n’y a aucun visage, aucune main tendue vers la rue ? Un homme sort.

– Vous cherchez quelque chose ?

Il est grand, beau, un visage de momie basanée, une gabardine beige qui a fière allure.

– Non, rien.

Puis je dis n’importe quoi, comme si on m’accusait d’être là.

– C’est bien le siège de la chambre de commerce franco-arabe, n’est-ce pas ?

Je sais déjà la réponse.

– Exactement.

Je fais semblant que mon téléphone portable vibre, afin de justifier mon immobilité. L’homme s’éloigne. Pourquoi suis-je venu ici ?

J’avise un monsieur rassurant parce qu’il a une canne et un chapeau noir. Il n’attend pas que je le questionne.

– On va changer le numéro. 91 bis, cela fera peut-être oublier ce qui s’est passé ici.

Il doit bien avoir 80 ans. Je dis :

– Vous avez connu cette rue pendant la guerre ?

– Non, j’étais gamin et j’habitais en Alsace. Donc en Allemagne à l’époque, si vous voulez. Oh, des gens de ces annéeslà, il n’y en a plus dans le coin. A moins que… Attendez… Si ça vous intéresse, tournez à droite puis à gauche un peu plus loin. La vieille qui vend des fleurs. Elle est du coin et c’est une bavarde.

Cela m’intéresse, oh oui ! Je tourne à gauche puis à droite. Quelques vases de fleurs dehors.



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