Germinal (French Edition) by Zola Émile

Germinal (French Edition) by Zola Émile

Auteur:Zola, Émile [Zola, Émile]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Novels
Éditeur: Groupe «Ebooks libres et gratuits»
Publié: 2011-09-26T22:00:00+00:00


VII

C’était au Plan-des-Dames, dans cette vaste clairière qu’une coupe de bois venait d’ouvrir. Elle s’allongeait en une pente douce, ceinte d’une haute futaie, des hêtres superbes, dont les troncs, droits et réguliers, l’entouraient d’une colonnade blanche, verdie de lichens ; et des géants abattus gisaient encore dans l’herbe, tandis que, vers la gauche, un tas de bois débité alignait son cube géométrique. Le froid s’aiguisait avec le crépuscule, les mousses gelées craquaient sous les pas. Il faisait nuit noire à terre, les branches hautes se découpaient sur le ciel pâle, où la lune pleine, montant à l’horizon, allait éteindre les étoiles.

Près de trois mille charbonniers étaient au rendez-vous, une foule grouillante, des hommes, des femmes, des enfants emplissant peu à peu la clairière, débordant au loin sous les arbres ; et des retardataires arrivaient toujours, le flot des têtes, noyé d’ombre, s’élargissait jusqu’aux taillis voisins. Un grondement en sortait, pareil à un vent d’orage, dans cette forêt immobile et glacée.

En haut, dominant la pente, Étienne se tenait, avec Rasseneur et Maheu. Une querelle s’était élevée, on entendait leurs voix, par éclats brusques. Près d’eux, des hommes les écoutaient : Levaque les poings serrés, Pierron tournant le dos, très inquiet de n’avoir pu prétexter des fièvres plus longtemps ; et il y avait aussi le père Bonnemort et le vieux Mouque, côte à côte, sur une souche, l’air profondément réfléchi. Puis, derrière, les blagueurs étaient là, Zacharie, Mouquet, d’autres encore, venus pour rire ; tandis que recueillies au contraire, graves ainsi qu’à l’église, des femmes se mettaient en groupe. La Maheude, muette, hochait la tête aux sourds jurons de la Levaque. Philomène toussait, reprise de sa bronchite depuis l’hiver. Seule, la Mouquette riait à belles dents, égayée par la façon dont la Brûlé traitait sa fille, une dénaturée qui la renvoyait pour se gaver de lapin, une vendue, engraissée des lâchetés de son homme. Et, sur le tas de bois, Jeanlin s’était planté, hissant Lydie, forçant Bébert à le suivre, tous les trois en l’air, plus haut que tout le monde.

La querelle venait de Rasseneur, qui voulait procéder régulièrement à l’élection d’un bureau. Sa défaite, au Bon-Joyeux, l’enrageait ; et il s’était juré d’avoir sa revanche, car il se flattait de reconquérir son autorité ancienne, lorsqu’on serait en face non plus des délégués, mais du peuple des mineurs. Étienne, révolté, avait trouvé l’idée d’un bureau imbécile, dans cette forêt. Il fallait agir révolutionnairement, en sauvages, puisqu’on les traquait comme des loups.

Voyant la dispute s’éterniser, il s’empara tout d’un coup de la foule, il monta sur un tronc d’arbre, en criant :

– Camarades ! camarades !

La rumeur confuse de ce peuple s’éteignit dans un long soupir, tandis que Maheu étouffait les protestations de Rasseneur. Étienne continuait d’une voix éclatante :

– Camarades, puisqu’on nous défend de parler, puisqu’on nous envoie les gendarmes, comme si nous étions des brigands, c’est ici qu’il faut nous entendre ! Ici, nous sommes libres, nous sommes chez nous, personne ne viendra nous faire taire, pas plus qu’on ne fait taire les oiseaux et les bêtes !

Un tonnerre lui répondit, des cris, des exclamations.



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