Galaxie3 27 by collectif

Galaxie3 27 by collectif

Auteur:collectif [Inconnu(e)]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2017-03-04T05:00:00+00:00


Un époustouflant point de vue, de sombres présages.

Un étroit escalier en colimaçon occupait le pivot central de la tour, conduisant jusqu’à son sommet. Celui-ci était constitué d’une espèce de coupole abritant la lanterne d’un phare, soutenue par deux grandes arches en treillis, et divisée en trois petites plates-formes étagées. Trois cents mètres au-dessus du sol, la vue était proprement ébouriffante. Eiffel nous apprit que le regard portait, par temps clair, à près de soixante-sept kilomètres. De violentes bourrasques tentaient de nous déséquilibrer. Nous nous maintenions fermement cramponnés à la mince rambarde de fer qui cerclait la plate-forme finale.

Là où s’élevait, jusqu’à hier soir encore, la hampe du paratonnerre, l’acier du plancher était noirci, fissuré et parsemé de cloques. Plus surprenant, un halo de lumière verdâtre embrasait la plate-forme, tel un feu-follet capricieux échappé d’un cimetière.

« Nous ignorons ce dont il s’agit, commenta Eiffel. Ça ne paraît pas dangereux, mais nous n’avons pas encore pratiqué tous les tests requis. Puisque vous semblez au fait de l’affaire, je ne trahirai aucun secret en vous avouant qu’Auguste a fait une découverte identique dans son atelier, aux pieds de sa Liberté. Nous avons eu une longue conversation téléphonique ce matin.

— Hé bien, inspecteur, croyez-vous toujours Lupin responsable ? » s’enquit le prince, malicieux. Ganimard eut un haussement d’épaules.

Nous regagnâmes le confortable bureau, perplexes. Eiffel nous offrit à chacun un ballon d’un cognac délicieux, que nous sirotâmes à petites gorgées. L’ingénieur ponctua notre entrevue par une mise en garde :

« Messieurs, je vous enjoindrais à garder le silence. L’Exposition doit être un succès. Bientôt, le public pourra prendre ma tour d’assaut, et je ne souhaite pas que de folles rumeurs compromettent le plaisir de mes concitoyens. Cependant, je vous apporterai toute l’aide requise. Tenez-moi au courant de vos découvertes. »

Sur ces mots, nous primes congé.

Sur le Champ-de-Mars régnait une joyeuse agitation. Mais le prince ne goûtait pas la liesse populaire. L’air grave, il considérait la masse des curieux qui baguenaudaient aux pieds de la grande demoiselle en jupon d’acier.

« Bientôt, ils seront plus nombreux encore. Par milliers, ils se presseront pour escalader la tour. Par centaines de milliers, peut-être. Que se passera-t-il, alors ?

— Je ne vous comprends pas, avouais-je.

— As-tu remarqué comment la foule a réagi, tantôt, à l’exhibition de François Coppée, quand il haranguait cet imbécile de Ganimard ?

— Elle semblait plutôt satisfaite de l’intervention du poète. Dès qu’il s’agit de se moquer du premier pitre venu, le peuple se réconcilie.

— Tout juste. Mais ce n’est pas de Ganimard qu’il s’agit. C’était l’Amérique que l’on conspuait alors. Et avec quel entrain ! Comme si la proximité écrasante du plus fantastique produit du génie français avait aidé à cristalliser le ressentiment des badauds.

— Hé bien ! Quelle idée…

— Espérons qu’il ne s’agisse que de cela.

— Faute de quoi ?

— Il y a plus à craindre que la simple disparition d’individus isolés. Nous sommes entrés dans l’ère du collectif, Isidore. Aujourd’hui, seule la masse compte. »

Il avait prononcé ces derniers mots avec dans la voix un accent de gravité tel que je ne lui en connaissais guère.



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