Galaxie 54 by Collectif

Auteur:Collectif [sf Collectif]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Science-Fiction, Nouvelle(s)
Éditeur: OPTA
Publié: 1968-11-13T23:00:00+00:00

En raison de la fugue pychologique de Lilo Toptchev, il était inutile que Lars partît immédiatement pour l’Islande. Aussi avait-il le temps de mettre en application la suggestion que Maren lui avait faite.

Plutôt que de vidéophoner, il se rendit en personne à l’ambassade soviétique de New York, résidence moderne au loyer somptuaire. S’approchant du premier bureau qu’il vit, il pria l’hôtesse de l’annoncer à Mr. Axel Kaminski.

La fièvre régnait à l’ambassade et la confusion était totale, à croire que les membres du personnel préparaient des bûchers ou brûlaient les archives.

— « Que se passe-t-il ? » demanda Lars à un jeune attaché, gauche et boutonneux, qui feuilletait en hâte des liasses de documents – des photos KACH non confidentielles.

L’interpellé répondit d’une voix flûtée dans un anglais idiomatique : « Un accord conclu avec le Natsec nous autorise à utiliser les bureaux du rez-de-chaussée comme bourse aux informations. » Sautant sur l’occasion d’interrompre une tâche aussi peu distrayante, il ajouta en guise d’explication : « Bien entendu, le vrai terrain de rencontre n’est pas ici : il est en Islande. » L’expression qui se lisait sur son visage proclamait avec éloquence le dégoût que lui inspirait la besogne nouvelle qui lui avait été assignée. Ce n’était pas le satellite étranger qui tracassait ce modeste bureaucrate mais la monotonie du travail que lui imposait la situation.

Des tonnes d’articles scientifiques, techniques, culturels, politiques faisaient la navette entre les deux blocs. C’était une sorte de jeu de furet. À présent, ce matériel était propriété collective de l’Est et de l’Ouest, les deux entités ayant reconnu d’un commun accord qu’il ne valait pas la peine de payer une agence d’espionnage professionnelle comme le KACH, voire les polices secrètes nationales, pour dérober des informations comme les courbes de consommation de la bouillie de soja dans les toundras couvrant le nord-est de l’U.R.S.S. La somme de renseignements concernant de telles rubriques qui affluait quotidiennement menaçait de rompre la digue de la bureaucratie elle-même.

— « Mr. Lars ! »

Lars se leva. « Comment allez-vous, Mr. Kaminski ? »

— « Affreusement mal. » Kaminski avait l’air épuisé, nerveux et surmené d’un vieux mécanicien à la retraite. « Cet objet, là-haut… Qui sont-ils ? Vous vous êtes posé la même question, Mr. Lars ? »

— « Oui, Mr. Kaminski, » répondit Lars patiemment. « Je me la suis posée. »

— « Voulez-vous une tasse de thé ? »

— « Non, merci. »

— « Savez-vous ce que vient d’annoncer la TV ? J’ai écouté le bulletin dans mon bureau. » Le teint cendreux, Kaminski poursuivit en bredouillant : « Pardonnez-moi, Mr. Lars, si je vous apporte une mauvaise nouvelle comme le soldat de Sparte de retour de la bataille des Thermopyles ; Mais… il y a maintenant un deuxième satellite étranger en orbite. »

Lars ne trouva rien à répondre.

« Passons dans mon bureau. » Kaminski le poussa vers une petite pièce dont il referma la porte.

— « Voulez-vous du thé ? » répéta-t-il.

Il parlait plus lentement et son ton n’était plus tout à fait celui d’un vieillard au bord de la crise nerveuse.

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