Fortune by Paul Loup Sulitzer

Auteur:Paul Loup Sulitzer [Sulitzer, Paul Loup]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2012-10-22T00:00:00+00:00

Pour jouer dans un casino, on a besoin de jetons. L’Éléphant-Blanc aura les siens propres, à son emblème, fabriqués par un spécialiste et pas n’importe lequel : moi je n’achèterai pas mes jetons au Nevada, comme tout le monde, mais en France, à Beaune, chez Bourgogne et Grasset. Ils seront acheminés en petites quantités par des équipes de convoyeurs triés sur le volet. Ces jetons ont des valeurs variant de un à mille dollars, l’enjeu maximal étant fixé à deux mille dollars. Ces jetons seront obtenus soit à la caisse centrale (qui est évidemment une formidable forteresse puisqu’elle détient en permanence deux à trois millions de dollars en liquide plus douze millions de dollars en jetons), soit directement aux tables. Dans ce dernier cas, le chef de table procédant à l’échange introduira immédiatement l’argent perçu dans une fente prévue à cet effet, reliée par un conduit pneumatique à la caisse centrale, sans aucune intervention humaine.

Une batterie d’ordinateurs contrôlera en permanence les mouvements de jetons. L’activité de chaque table sera comptabilisée au fur et à mesure, d’heure en heure. En plus, quatre fois par jour et pas nécessairement à heure fixe, les jetons seront comptés. Toute anomalie étant immédiatement signalée. Rien n’empêche bien sûr un client d’acheter pour cent mille dollars de jetons, d’entasser ces jetons dans un sac et de partir avec ce sac pour l’enterrer dans son jardin ; c’est peu vraisemblable mais possible. Il faut que cette disparition soit aussitôt notée. Et il faut surtout, on s’en doute, que soit sur-le-champ détectée l’apparition de jetons inconnus, non comptabilisés jusque-là. L’entrée de faux jetons est théoriquement possible, quoique chaque jeton de l’Éléphant-Blanc (c’est le cas dans tous les casinos) soit muni de dispositifs électroniques secrets permettant à un croupier de l’identifier au seul toucher.

Ce contrôle général sera doublé, table par table, de la surveillance effectuée par des contrôleurs entraînés. C’est l’une des attributions de Caliban. En tant que premier assistant-manager, plus spécialement chargé des salles, il excelle dans ce genre d’activité : flânant quelques secondes autour d’une table donnée, il est capable d’enregistrer en un coup d’œil le nombre de joueurs, le nombre de jetons en jeu, le montant du drop (total des sommes engagées par les joueurs). Et de déduire immédiatement si, à cette table en particulier, le casino est en train de gagner ou de perdre, et combien.

Or Caliban est un nain. Sa taille ne lui permet pas de voir le tapis. À Vegas, déjà, il s’était servi d’échasses métalliques et ça n’avait pas été triste de le voir ainsi déambuler. Mais il a beaucoup mieux en réserve. Il a fait venir de Macao, en quadruple exemplaire pour les pannes éventuelles, des engins complètement délirants. En gros, il pourrait s’agir de chaises d’arbitre de tennis, surélevées. Sauf qu’à Wimbledon ou Roland-Garros, on n’a pas encore vu d’arbitre de chaise faire le tour du terrain sur des roulettes en passant des coups de téléphone et en communiquant par radio avec sa famille et ses amis. Caliban peut. Il

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