Faber: Le destructeur (blanche) (French Edition) by Garcia Tristan

Faber: Le destructeur (blanche) (French Edition) by Garcia Tristan

Auteur:Garcia, Tristan [Garcia, Tristan]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782072490927
Éditeur: Editions Gallimard
Publié: 2013-08-21T22:00:00+00:00


9

Casse-toi

« Salut. Bien dormi ?

— Ta gueule.

— Pardon ? »

Mathilde s’est haussée sur la pointe des pieds. Il m’a suffi de regarder ses lèvres pour comprendre ce qu’elle me voulait. Elle parlait en prenant un ton suraigu. Sa bouche n’était plus que l’arc de sa voix, et sa voix la flèche de sa colère.

« Écoute-moi bien, connard. »

J’ai baissé les épaules en signe de soumission. Derrière elle, j’ai cherché la sortie.

« Où est Basile ?

— Basile travaille. Basile est parti, pauvre chéri. Personne pour te défendre. Tu ne vas pas m’hypnotiser, moi.

— T’hypnotiser ? »

Il m’a semblé qu’elle me regardait en plongée, à force de se hisser sur la pointe des pieds. Pourtant, elle avait toujours été petite et j’étais grand.

« T’as passé quoi ? Dix ans à le bousiller. Quand il rêve la nuit, il dit ton nom et il prend la voix d’un petit garçon.

— Je ne me sens pas très bien », ai-je répondu en me massant le cou.

« Tu leur as sucé le sang. Tu crois que je ne te voyais pas faire ? Oh, monsieur le petit dieu, mais moi je savais. Je te connais.

— Excuse-moi.

— Tu l’as rendu fou. Je ne peux plus supporter ça. Il n’arrive même plus à faire l’amour : il pense à toi. Alors ça lui donne des angoisses, il a les mains moites, il dit qu’il t’entend dans sa tête ! Quand on s’est mis ensemble, Basile m’a dit : Je crois que Faber n’est pas humain. Tu te rends compte ? Est-ce que tu sais depuis combien d’années il va chez le médecin ? Et chez le psychiatre ? Est-ce que t’étais là quand il a fait sa TS ? Toi, son ami. Voir Basile qui te regarde encore comme si t’étais Jésus-Christ en personne… Je te promets, ça me donne envie de te tuer. »

Essayé de passer par la porte dont elle occupait à peu près tout le cadre. Mathilde m’a bousculé, j’ai manqué de tomber. Puis elle m’a flanqué son pied droit, une chaussure rouge à talon haut, dans les testicules. Tordu en deux, j’ai gémi. Me suis enfui dans le couloir.

« Basile est quelqu’un de bien. Casse-toi. Et crève. » Elle a craché dans la direction de ma gueule, m’a raté dans le noir.

« T’as bien compris ce que je t’ai dit ? »

J’ai murmuré que oui et je me suis pété la tronche en ratant la toute première marche de l’escalier.

« Bien fait. » Puis, après un silence : « Je sais tout. Un jour tu vas payer pour ça. »

La porte était refermée. Je ne parvenais plus à respirer. Enfin j’ai soupiré, je me suis relevé, le nez encore ensanglanté et la lèvre supérieure fendue. Suis sorti humer l’air lourd de Mornay, en bas de l’immeuble. Me suis dirigé vers le centre-ville, guidé par le bruit du chantier, les marteaux piqueurs, les bétonnières et les grues, comme un moustique attiré par la lumière.

La journée venait à peine de commencer. Je voulais retrouver un sentiment humain, mais je n’étais pas certain d’y parvenir avant la tombée de la nuit.



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