Esclaves du passé by Anne Perry

Esclaves du passé by Anne Perry

Auteur:Anne Perry [Perry, Anne]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Novela, Policial, Histórico
Éditeur: ePubLibre
Publié: 1999-12-31T16:00:00+00:00


CHAPITRE VII

Rathbone retourna au tribunal en se hâtant quelque peu. Son commis était tout à fait capable de mener seul la plaidoirie en cours. Il s’agissait d’une affaire de routine où il suffisait de présenter les pièces à conviction, la plupart incontestables. Rathbone ne s’en plaignit pas, car durant tout l’après-midi, ce ne fut pas le procès Wollcroft qui occupa son esprit, mais la façon dont il allait traiter l’affaire Breeland et Alberton, qu’il avait eu l’imprudence d’accepter.

Au malaise que ce dossier suscitait en lui venait s’ajouter celui des raisons qui l’avaient poussé à s’en charger. Dans les journaux, il avait lu quelques articles concernant les meurtres, même s’ils ne l’intéressaient pas outre mesure tant tout semblait évident, mais comme la plupart de leurs rédacteurs il se sentait profondément peiné pour Judith Alberton. Cependant, la compassion avait beau être une émotion des plus nobles, elle ne jetait pas de bonnes bases pour qui voulait ester en justice. Des jurés seraient peut-être émus par les beaux sentiments, mais pas le juge. De plus, l’opinion éprouvait une antipathie farouche envers Merrit Alberton. Son crime supposé – intriguer avec un étranger afin d’assassiner son père – représentait un affront à tous les critères de décence, au respect de la famille, à l’obéissance, à la propriété et au patriotisme. Si chaque fille était libre de s’élever contre l’autorité de son père d’une manière aussi violente, alors toute la société en serait menacée.

Rathbone se rendit compte que ces hypothèses l’agaçaient, et que son respect de l’ordre établi, bien qu’ancré en lui – du moins en surface – s’en trouvait un peu émoussé. Il exécrait les préjugés, la tradition figée dans des esprits rigides

S’il avait accepté cette affaire, c’était aussi par goût du défi. Il ressentait une certaine excitation, ainsi qu’un sentiment de mise en danger, à l’idée de devoir aller au bout de ses capacités. Et s’il n’était pas à la hauteur ? Que se passerait-il s’il échouait dans sa tâche, et qu’un innocent soit pendu à cause de son manque d’intelligence, de courage, d’imagination, de logique et de force de persuasion ?

Ou que se passerait-il si on libérait un coupable, qui tuerait peut-être encore, ou au mieux profiterait de son crime et montrerait à tous que la justice n’est pas capable de protéger les victimes ?

De toute façon, il aurait accepté quoi qu’il arrive car Hester était impliquée. Bien qu’elle ne l’ait pas formulé, il avait compris qu’elle tenait à Merrit, qu’elle se retrouvait peut-être même un peu en elle pour avoir été comme elle à seize ans – entêtée, idéaliste, trop amoureuse pour penser du mal de celui en qui elle avait investi tant de confiance, trop proche de la réalisation de son rêve pour y renoncer, quel qu’en soit le prix.

Il regrettait de ne pas l’avoir connue à l’époque. Ridicule, la douleur qu’il continuait à ressentir six mois après son mariage avec Monk. En fait, celle-ci était même plus aiguë à présent qu’auparavant, lorsque Rathbone aurait encore pu demander à Hester de l’épouser, pourvu qu’il se fût rendu compte à quel point cela comptait pour lui.



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