En revenant de Tiananmen by Imbert Michel

En revenant de Tiananmen by Imbert Michel

Auteur:Imbert, Michel [Imbert, Michel]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature française
Éditeur: Blondie - La Gang
Publié: 2013-04-05T22:00:00+00:00


Quartier Chaoyang, Pékin, 14 heures

Je repassai à l’appartement et trouvai dans la boîte aux lettres une enveloppe non timbrée que Wang avait laissée en mon absence, marquée, en tout et pour tout, des deux caractères de mes nom et prénom au crayon. Elle contenait un recto photocopié et un mot griffonné m’informant qu’il s’était procuré le matin même le document joint. Je n’avais jamais vu de rapports de médecine légale, mais je compris que j’avais sous les yeux la copie d’une page de l’un d’entre eux.

Je repris le métro à la première station. J’avais un besoin urgent de parler à mon père.

Quand j’arrivai à la maison, je n’y trouvai que ma mère sur le palier, en train de discuter avec une voisine des changements en ville causés par les Jeux olympiques. Une odeur de sauce au soja flottait dans l’air. Ma mère, frottant ses mains rudes contre son tablier, me dit où trouver mon père : en train de jouer au mah-jong dans un parc. Je perdis une bonne demi-heure à arpenter les abords de Beihai, que je savais être son parc de prédilection, avant de le retrouver en compagnie de quelques vieux autour d’une table en marbre flanquée de bancs publics, près du Kentucky Fried Chicken, sur l’allée circulaire de l’île aux hortensias. Mon père n’était pas le plus vieux. Il y en avait même un, avec sa casquette baissée sur les yeux, qui donnait l’impression de s’être endormi au milieu d’une phrase, la tête appuyée sur ses deux mains réunies sur le pommeau de sa canne. Les pièces de mah-jong construisaient un château sur la table, et les quatre vieux avaient l’air si absorbés devant les dominos qu’ils ne levèrent les yeux que quand mon ombre se posa sur la table. Mon père eut l’air contrarié. Etait-ce d’être interrompu dans sa partie ?

— Aya ! Les enfants, on les fait pour s’occuper de vous dans la vieillesse et c’est vous qui continuez à les aider jusqu’aux portes de la mort ! dit-il avec un amer sourire.

Je supposai que son attitude cavalière était due à la présence des autres vieillards devant lesquels il voulait passer pour ce qu’il n’était pas : un homme dur.

— Je ne veux surtout pas vous gêner, dis-je. Continuez votre partie.

— Tu vas traîner autour en attendant que nous ayons fini ! Je vois bien que tu veux me demander quelque chose. Autant en finir tout de suite.

Le plus âgé s’éveilla et releva la visière de sa casquette.

— Le général, tu veux bien prendre ma place ? Je te confie mes briques.

Mon père se leva et passa devant moi, me forçant à le suivre. Celui qu’il appelait « le général » s’installait avec des mouvements calculés à sa place. Parvenu sous le plafond laqué de la galerie des lettrés, le regard perdu dans les miroitements du lac ensoleillé, il mit sa main sur mon épaule. Je perçus l’inquiétude dans le son de sa voix.

— Alors, que t’ont-ils dit, au commissariat ?

— C’était de la routine, papa.



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