En attendant le vote des bêtes sauvages by Kourouma Ahmadou

En attendant le vote des bêtes sauvages by Kourouma Ahmadou

Auteur:Kourouma,Ahmadou
Format: epub
ISBN: 2-02-033142-X
Éditeur: Seuil
Publié: 1998-11-14T16:00:00+00:00


15

Ah ! Koyaga, il devait être vers les 16 heures quand votre avion perça les nuages au-dessus de l’aéroport de la capitale du Pays des Deux Fleuves. Vous vous rappellerez toujours le haut-le-cœur qui vous fit sursauter. Vous n’en avez pas cru vos yeux : l’aéroport était désert, désert sans même le famélique chien à la recherche de sa pitance. Un coup d’État réussi contre l’Empereur vous parut la seule explication possible. Seul un coup d’État avait pu chasser la foule qui devait être là pour vous accueillir. Vous vous êtes précipité sur l’Empereur, vous l’avez secoué sans ménagement. Il dormait, ronflait bruyamment – il avait vidé, au cours du trajet, une bouteille de whisky et deux de gros bordeaux. Il était lourd et sourd comme une pierre, vous l’avez frappé en criant : « Le coup d’État ! » L’Empereur sursaute, hurle un « oh ! ». regarde par le hublot. Sa sérénité vous surprend et vous rassure. Il vous explique une des ruses qu’il vous faut retenir si vous voulez un jour parvenir au rang d’empereur. Ne jamais informer de vos heure et date de retour dans votre pays parce que les attentats imparables sont ceux qui se perpétuent à l’atterrissage de l’avion.

Vous avez atterri et êtes entrés en catimini au palais. L’après-midi, les danses, les tam-tams, les délégations de militaires sortirent dans les rues, se dirigèrent vers l’aéroport, envahirent l’aéroport et ses environs. Vous êtes revenus à l’aéroport, votre hôte, vous et tous vos suivants, encadrés d’une escorte armée. Vous êtes remontés dans l’avion du commandement. Vous avez tourné deux fois au-dessus de la ville. Et avez atterri au milieu d’une foule, d’une fête, de délégations, de défilés. Vous avez eu un de ces accueils que seul un empereur africain comme l’homme au poitrail caparaçonné peut offrir à un hôte.

Dans le partage de l’Afrique décidé par les États chrétiens à la conférence de Berlin en 1885, le territoire des Deux Fleuves fut dévolu au Coq gaulois. Le Pays aux Deux Fleuves était saigné par les razzias des sultans esclavagistes arabes. Les Français le conquirent et décidèrent de le mettre en valeur par les travaux forcés, les réquisitions, l’exploitation de la main-d’œuvre indigène. Les colons engagèrent l’opération avec des moyens et des méthodes qui finirent par réduire de près de moitié une population déjà clairsemée. Les rares habitants qui déambulaient dans le pays étaient abrutis par la peur et la maladie du sommeil. En conséquence, des habitants auxquels il était difficile de demander beaucoup d’efforts. Plus la colonisation française (la mise en valeur du pays) perdurait, plus le pays se vidait, s’appauvrissait.

Les Français déçus conclurent à l’impossibilité de rendre le territoire productif et décidèrent de s’en séparer. Ils le proposèrent aux Anglais et aux Allemands. Le marché était sur le point d’être conclu quand éclata la première grande guerre de 14-18.

Après l’armistice de 1918, le contexte international avait changé, la cession ne pouvait plus se réaliser. Le gouvernement français décréta une nouvelle politique de gestion du territoire. La colonie fut répartie entre des colons.



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