Emmanuel Le Magnifique by Patrick Rambaud

Auteur:Patrick Rambaud [Rambaud Patrick]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature française
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

Il n’y avait pas que les carambouilles de l’apôtre Ferrand pour salir le commencement d’un règne immaculé. Afin d’enrayer une épidémie de révélations sur les profiteurs de l’Ancien Monde égarés dans le Nouveau, il fut heureux de trancher le mal à ses racines, et une ère différente s’ouvrit, celle de la dénonciation vertueuse, dangereuse mère des populismes qui surgissaient victorieux un peu partout dans les royaumes d’Europe et du monde ; les purs discours de Saint-Just conduisirent en effet M. Pol Pot à martyriser le Cambodge avant de mourir dans son lit. Les malins qui avaient cru que la politique leur ouvrait une carrière se mirent à déchanter car ils n’y voyaient plus guère leurs intérêts. M. le duc de Pau planait au-dessus de ces projets mercantiles. Ce Béarnais ne cherchait pas à proprement parler le pouvoir et ses facilités, mais plutôt les moyens de faire pression sur le pouvoir, et montrer son influence.

Au rez-de-jardin de l’hôtel de Bourvallais, place Vendôme, à une portée du Ritz d’Hemingway et de la princesse Diana, il se sentait appartenir au beau monde parisien et polissait sa très chrétienne loi de moralisation. Il ne prit garde au tonnerre qui grondait sur sa tête, il se disait que la foudre allait le contourner comme souvent à la campagne. Elle frappa pourtant ses proches, les peu nombreux fidèles de son indécrottable groupe centriste, ainsi la baronne Goulard devenue sa collègue aux Armées : le Parlement européen lui réclamait des comptes sur l’emploi de ses assistants, plus assidus à son bureau de Paris qu’au Parlement. Même coup de semonce pour l’alter ego du duc de Pau, la marquise de Sarnez, engluée dans une affaire comparable. La première démissionna du frais gouvernement pour mieux se défendre, la seconde fut exfiltrée discrètement vers la présidence de son futur groupe de parlementaires, suivant à la lettre l’itinéraire de M. Ferrand que voulut Sa Majesté.

Le duc de Pau n’était pas inquiet.

Il était seulement maladroit.

Oui, il avait envoyé un message de soutien à la marquise, mais cela restait d’ordre privé quoique l’étourdi eût effacé a posteriori le titre ministériel de son tweet. Il enchaîna les erreurs. N’alla-t-il point protester auprès d’un dirigeant de Radio France à propos des enquêtes sur les emplois européens fictifs de ses affidés ? Il le reconnut en précisant qu’il ne s’agissait ni d’un ordre ni d’un chantage mais d’une simple conversation. Un ministre n’avait plus le droit de bavarder ? « Je ne renoncerai jamais à ma liberté de parole », dit-il en se drapant dans une toge imaginaire. Et il continua ses gazouillis. Sa Blessante Majesté avait-elle voulu régner par ordonnances pour accélérer les procédures ? Il la critiqua comme un maître son élève au lieu de se taire, et il confirma même son jugement dans des gazettes. Cela déplut au Prince qui le punit en ne lui répondant pas au téléphone pendant toute une journée. La mauvaise humeur du Magnifique était visible, on se demanda s’il ne cherchait pas à éliminer son encombrant ministre, lequel

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