Dualed - 1 by Chapman Elsie

Dualed - 1 by Chapman Elsie

Auteur:Chapman, Elsie [Chapman, Elsie]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fantasy
Éditeur: Lumen
Publié: 2014-03-05T23:00:00+00:00


Chapitre 6

Je me trouve dans la rue où j’ai atterri après avoir rempli mon contrat et m’être glissée par la fenêtre des toilettes d’une librairie, quand je l’aperçois pour la première fois.

Je pensais que l’effet serait le même que de se regarder dans un miroir, mais en fait non. Pas exactement. La différence est aussi infime que celle qui existe entre votre propre reflet et la façon dont les autres vous perçoivent — votre visage est inversé, donc aucun des deux points de vue n’est le bon. Quand je la vois, tout ce à quoi je pense c’est : Alors c’est ainsi que les autres me voient ?

Un nez légèrement retroussé. Des yeux bruns, presque noirs, en amande. Même couleur de peau que moi, mélange de plusieurs nuances. Mêmes cheveux également, quoique beaucoup plus longs que les miens. D’un noir de geai, raides comme une cascade, et qui, telle une aile de corbeau, dissimulent un œil.

Je n’arriverai jamais à m’habituer à ce face-à-face. C’est comme si tout ce que l’on haïssait et craignait en soi prenait soudain forme humaine. On ne peut rien changer, l’un comme l’autre, au fait que l’on existe tous les deux.

Ehm, Luc, ce qui s’est passé avec l’Alt de Chord... tout défile devant mes yeux comme le pire des cauchemars.

Tête baissée, je m’éloigne sans hâte de l’étal de fruits où je lorgnais les dernières pommes automnales en me demandant si je pouvais échapper aux regards vigilants des vendeurs. L’air de rien, j’avance jusqu’à la buvette voisine et me glisse dans la file des clients. A gauche, des cafés alignés prêts à être emportés, tout droit sortis du camion en provenance de Calden. A droite, le comptoir bondé de clients, qui pour la plupart tapotent avec frénésie sur leurs téléphones.

Tellement de monde. Je me déplace à nouveau, cette fois derrière le présentoir à cafés. Par habitude, je resserre les bretelles de mon sac à dos. Je m’assure que mes couteaux sont bien dans mon jeans, dans mon blouson, et j’agrippe mon pistolet dans l’autre poche. Je le garde hors de vue et me penche pour tenter de me cacher moi aussi.

Mon cœur bat la chamade, chaque pulsation résonne à mes oreilles. Mes nerfs électrisés, chargés à bloc, s’animent : je suis plus proche de la mort que jamais. Je sens dans ma nuque un filet de sueur froide. Mon bras commence à se raidir, mes sens soudain éveillés par une perception d’une clarté acérée. Tout ce qui m’entoure devient secondaire : il n’y a plus qu’elle.

Il faut que le pistolet seul fasse l’affaire. Les couteaux sont des armes de secours plus qu’adaptées — mais uniquement si je me retrouve assez près d’elle. Dans cette foule, en lancer un n’est pas envisageable.

Je scrute les alentours à l’affût de mon double.

Elle s’avance sur le trottoir en regardant à gauche, puis à droite. Encore à gauche. Elle cherche quelqu’un et ne s’en cache pas. Aucun doute, c’est moi sa cible. Elle continue dans ma direction et je me fige, incapable de prendre une décision.



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