Du sang sur les docks by Coat L. Bernard

Du sang sur les docks by Coat L. Bernard

Auteur:Coat L., Bernard [Coat L., Bernard]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier
ISBN: 9782359620481
Éditeur: Ex Aequo
Publié: 2010-05-02T22:00:00+00:00


Confucius et Fred Astaire

Je quitte le commissariat, la rue Colbert, l’air y est déjà plus respirable, je me demande pourquoi l’odeur est toujours aussi nauséabonde au commissariat de police. Les autorités devraient asperger avec un désodorisant pas cher, comme dans le métro parisien, l’odeur n’y est pas très subtile, mais au moins, ça dissimule. Je file jusqu’au Moulin Blanc à grandes enjambées en faisant en sorte de ne pas quitter la rade de vue ; si l’on veut bien prendre son temps pour peu que l’on soit observateur, on l’aperçoit de nombreux endroits de la ville. En arrivant vers le jardin de la gare, le fidèle crachin brestois m’arrose avec amabilité. Je me souviens aujourd’hui encore des copines d’école qui se prenaient à quitter leur logis dès que celui-ci faisait son apparition, elles allaient se promener la tête découverte et le nez légèrement pointé vers le ciel, car me disaient-elles : « C’est bon pour le teint », puis revenant de leur séance de fraîcheur, elles s’essuyaient avec vigueur le visage et les cheveux, examinaient leur peau hydratée, tonifiée, souriaient trouvant l’effet réussi, ignorant encore que c’était le plus simple angélisme de leur adolescence qui faisait que je tournais autour d’elles comme les papillons de nuit sont attirés par la lumière ; je me laissais aller à ce genre de considérations, d’ignorance, de bonté jusqu’à ce que je connaisse la perfidie des années qui passent, m’enseignant que les anges ont aussi des ailes pour mieux dissimuler leurs poignards.

Je marche délaissant mes considérations traumatiques derrière moi et n’utilise aujourd’hui des mouchoirs que lorsque mon système O.R.L. défaille pour cause d’humidité excessive ou d’allergies saisonnières.

Curieux tout de même ces incisions sur la peau des marins, Leguen en grand investigateur de la police n’en mène pas large, faut dire qu’il est entré dans la police après avoir raté trois fois le concours d’entrée à la fac de médecine, pas trop méchant mais aigri, il a le mérite de reconnaître ses faiblesses et ses incompétences.

Je positive en rejoignant le port, le front de mer ; j’aime entendre les travailleurs, leur vocabulaire tout imprégné d’inélégance verbale, parfois ordurier, ça vacarme à tout va. Ce que j’apprécie le plus chez ces gens c’est leur bonheur pour pas cher, heureux « happy few » ; beaucoup de malabars s’activent à vider les ventres des carcasses métalliques des cargos pour la plupart entamés par la rouille, conservant non sans ostentation les flétrissures imposées par la mer. Je ne leur cause pas souvent aux gens qui marnent sur les quais, j’ai peur de la misère, je réclame beaucoup à la vie, mon bonheur est ailleurs quelque part enfoui dans mes recherches picturales et métaphysiques, ailleurs… Une envie de foutre le camp me prend tout à coup jusqu’aux tripes. Non sans adresse, avec la volonté de continuer à pied pour fortifier mon corps et mon esprit, je marche le long des quais et des cales, juste au rebord de l’eau et du vide. Les défis me font vivre. Tout à



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