Du sang sur la soie by Perry Anne & Perry Anne

Auteur:Perry Anne & Perry Anne
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: 10-18
Publié: 2014-07-01T00:00:00+00:00

Giuliano passa quatre semaines chez Giuseppe et les siens. Leurs conversations ou celles des autres pêcheurs et des fermiers dans les tavernes du voisinage confirmèrent la colère sous-jacente et le désespoir. Il mentionna une ou deux fois Byzance, et les réactions exprimaient un tel intérêt et une telle sympathie qu’en y réfléchissant après coup il se dit qu’elles étaient innocentes. S’il avait été question de l’empereur Michel, ces gens auraient été plus prudents.

Il ne faudrait pas grand-chose pour que cette colère éclate au grand jour, n’importe quel acte stupide commis dans leur vie quotidienne, la profanation d’une église, le viol d’une femme ou d’un enfant, et la flamme s’allumerait. Les espions de Michel, s’il y en avait ici, devaient le voir eux aussi. La question n’était pas de savoir s’ils étaient bien présents, mais si un soulèvement pouvait réussir. Un échec se solderait par une tragédie. Il n’avait pas envie d’y contribuer.

Au début de la cinquième semaine de son séjour en Sicile, il remercia la famille pour son hospitalité en offrant des cadeaux à chacun. Il acheta pour les filles les plus jolis rubans qu’il put trouver, et pour Maria un châle d’un ambre doré qui mettait ses yeux en valeur. Aux garçons des chapeaux élégants. À Giuseppe enfin un couteau neuf, d’un modèle comparable à l’ancien, qui durerait des années.

Il lut la gratitude dans leurs regards, il jeta un dernier regard aux filles, les cheveux enrubannés, aux garçons coiffés de leurs chapeaux déjà déformés, et à Maria qui souriait.

— Merci, dit-il rapidement avant de s’en aller sans se retourner, pris d’une émotion incontrôlable.

Il se présenta à la cour de Charles d’Anjou – à Palerme, évidemment, il portait le titre de roi de Sicile. Naples l’avait surpris et, cette fois, il ne fut pas étonné des magnificences du palais, avec les hautes colonnes sculptées et chantournées, et les plafonds d’un bleu céruléen peuplés de saints et d’anges, associés à la relative austérité de la cour. Les impôts exorbitants que Charles tirait des habitants de ce pays serviraient à la guerre, pas au plaisir. Les hommes étaient vêtus simplement, et Charles lui-même ne comptait que sur le pouvoir qui émanait de sa présence pour imposer le respect. Aussi débordant d’énergie que d’habitude, il accueillit Giuliano comme s’il l’avait identifié sans la moindre hésitation.

— Eh bien, Dandolo, vous voilà de retour ! lança-t-il avec enthousiasme. Vous venez voir comment progressent les préparatifs de la croisade ?

— Oui, Sire, répondit Giuliano, d’un ton un peu plus impatient qu’il ne l’aurait souhaité.

— Bien, bien, mon ami, fit Charles en lui donnant une tape dans le dos. Tout se passe parfaitement bien. L’Occident tout entier est présent à l’appel. Et votre nouveau doge, hein ? Aurons-nous les navires nécessaires pour nous conduire à Acre, d’où nous pourrons marcher sur Jérusalem ? Nous sommes sur le point de réunifier la chrétienté. Le voyez-vous, Dandolo ? Une armée sous les ordres de Dieu.

Une seule réponse s’imposait.

— Je le vois mentalement. J’attends le jour où ce sera plus qu’une vision.

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