du cinéma by Dictionnaire

du cinéma by Dictionnaire

Auteur:Dictionnaire [Dictionnaire]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782259213714
Éditeur: Plon
Publié: 2008-12-31T23:00:00+00:00


Ivan le Terrible / Ivan Groznyi

Film russe de Serguei Mikhaïlovitch Eisenstein (1944-1946).

Je me plais à imaginer Staline dans la salle de cinéma du Kremlin assistant à la projection d’Ivan le Terrible. Il a à sa droite Jdanov, à sa gauche Beria.

Trop d’allusions au NKVD à travers le personnage de Kourbski, cruel et fourbe, pour que Beria n’ait pas sursauté et exprimé violemment sa fureur. Déjà une cellule est prête à la Loubianka pour l’infortuné réalisateur. De son côté, Jdanov enrage : les sacro-saints principes du réalisme socialiste dont il est le soutien vigilant sont bafoués dans cette œuvre qu’il a pourtant commandée. Et Staline ? Il admire Ivan le Terrible, peut-être plus encore, en 1944, que Pierre le Grand, omniprésent dans les années trente. C’est son esprit byzantin, ce sont les disgrâces qu’il aime prononcer et ses batailles incertaines que l’on retrouve sur l’écran. Il fronce le sourcil ; mais le film est grandiose, touchant à la fresque grâce à l’admirable photo de Tissé et Moskvin, à l’opéra (Prokofiev a composé la musique), à l’art monumental auquel rendent hommage les décors de Spinel. Staline le sent, et ce chef-d’œuvre sert finalement sa propagande. Eisenstein sauve sa tête, mais pas son cœur : il vient d’être victime d’un infarctus.

La première partie raconte la lutte d’Ivan IV contre les Boyards et la prise de Kazan. Une deuxième partie est prévue et tournée. La projection a lieu au Kremlin en février 1946. Cette fois Staline, sûr de lui, sûr de sa victoire, n’a plus besoin de la caution des tsars. Il écoute Beria et Jdanov, surtout lorsqu’ils murmurent qu’Eisenstein est juif. La colère du tyran éclate : « Le metteur en scène a fait preuve d’ignorance dans la représentation des faits historiques. »

Eisenstein doit être hospitalisé. À sa sortie, il bat sa coulpe, reconnaît avoir tourné « un film antihistorique et antiartistique ». Ce n’est pas suffisant. Avec la deuxième partie d’Ivan le Terrible, il est allé volontairement trop loin. Cette fois, il met directement en cause Beria, le puissant chef de la police, sous les traits de Maliouta Skouratov. C’est le NKVD qui est évoqué à travers les Opritchnicks, cette garde noire qui entoure Ivan et terrorise les Boyards. Plus grave : Eisenstein peint un Ivan qui doute, hésite, se lamente, « écrasé, dit-il, par le fardeau du pouvoir ». Eisenstein savait-il que le dictateur avait connu un moment de dépression lors de l’attaque allemande de 1941 ? Et cette phobie du complot qui hante Ivan n’est-elle pas le reflet des angoisses permanentes de Staline qui change de chambre tous les soirs ?

Quant à Jdanov, il est horrifié par les séquences finales en couleurs, synthèse des recherches d’Eisenstein dans ce domaine. L’admirable ballet rouge et noir des Opritchnicks qui précède la tentative manquée d’assassinat contre le tsar était pour Eisenstein le sommet de son art. Mais pas pour un tenant du réalisme socialiste comme Jdanov.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.