Du bon usage de la piraterie by Latrive Florent

Du bon usage de la piraterie by Latrive Florent

Auteur:Latrive, Florent [Inconnu(e)]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2014-07-06T00:00:00+00:00


Deux figures : le génie romantique face au hacker

La propriété intellectuelle telle qu’elle fonctionne aujourd’hui ne reconnaît pas la dimension collective de toute création. L’attribution d’un droit exclusif de propriété sur l’immatériel spolie les inspirateurs sans lesquels une nouvelle oeuvre ou une innovation n’aurait pas été possible, mais aussi le public, dont le rôle créatif est nié. La propriété intellectuelle sanctifie l’auteur ou l’inventeur, lui attribuant une place toute particulière dans une chaîne pourtant complexe et collective de création et d’originalité. Cette critique ne doit pas inciter à nier l’importance de l’auteur ou de l’inventeur. Le priver de tout droit serait aussi une spoliation, cette fois de la société à l’égard d’un individu. La question qui se pose est plutôt celle de l’équilibre à atteindre, et celui-ci a tout à voir avec la représentation que la société se fait des créateurs. La législation n’est que la résultante de cette image partagée. Or le modèle qui structure aujourd’hui le droit de la propriété intellectuelle s’appuie sur une figure mythique, celle du génie romantique, ce damné reclus dans sa chambre mansardée, à l’écart de toute contrainte marchande et de toute pression populaire, libre et autonome, ne devant à personne d’autre qu’à lui son inspiration. « L’auteur romantique est un modèle d’organisation de la création : un auteur conçoit une oeuvre seul, la fait éditer par un éditeur qui la délivre au marché. Ce modèle, qui ne décrit qu’une petite partie de la réalité, a force de mythe dans la mesure où il imprègne la représentation que l’on se fait de la création », indique Thomas Paris14. Lorsqu’on pense à l’activité artistique, on imagine Beethoven sourd face à son piano, pas une session collective d’écriture de scénario pour le cinéma avec un producteur qui tourne en rond autour de ses ouailles. Un inventeur ? On imagine Archimède dans sa baignoire, Newton et sa pomme, jamais un laboratoire grouillant de chercheurs qui travaillent en collaboration et les neurones branchés en direct sur des bases de données leur fournissant tous les travaux sur le sujet depuis trente ans. L’image du génie romantique conduit ainsi à se faire une idée fausse de l’identité des réels bénéficiaires de la propriété intellectuelle. Car qui est protégé aujourd’hui ? L’écrivain, le compositeur ou l’inventeur individuel, bien sûr. Mais aussi l’éditeur, l’interprète, le producteur et, plus généralement, l’entreprise. Tous ont rejoint l’auteur et l’inventeur sur la liste des intérêts pris en compte par le droit. Tous ont obtenu des titres de propriété sur les créations et en tirent des revenus. En Europe, le droit d’auteur couvre même les bases de données, qui ne sont pourtant que des agrégats de créations et d’informations émanant de sources multiples. De plus en plus, le brevet et le droit d’auteur protègent l’investissement économique, pas le créateur. Ils récompensent le financement, pas le savoir ou la culture. « Cette logique a toujours été présente, mais elle devient aujourd’hui dominante. Et elle devient dominante au sein même du droit d’auteur et de ses droits apparentés, pour



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