Dolbreuse by Loaisel de Trégoate

Dolbreuse by Loaisel de Trégoate

Auteur:Loaisel de Trégoate
La langue: fra
Format: epub
Tags: Literature
Éditeur: eBooksLib
Publié: 2001-11-30T16:00:00+00:00


Quel spectacle que celui de la désolation répandue dans le château et dans les villages d'alentour ! On voyoit une foule de villageois, de tous les âges, de vieux laboureurs, de vieilles femmes se traîner avec inquiétude, venir s'informer de la santé de mon épouse, et s'en retourner gémissans, et levans tristement les yeux vers le ciel. Des domestiques en cheveux blancs s'écrioient en pleurant : " nous qui la vîmes naître, n'avons-nous vieilli à son service que pour la voir mourir à la fleur de son âge ?

N'avons-nous tant vécu que pour voir mourir et le pere et la fille ? ...

ma douleur ne se manifestoit par aucun signe.

Elle étoit toute entiere au fond de mon ame.

Je ne quittois point le lit de mon épouse. J'observois, je suivois d'un oeil morne tous les progrès de la défaillance et de la maladie sur son visage. -" demain, me disoit-elle, je serai revenue d'une terre étrangere ; demain je serai dans ma patrie, pour ne la quitter jamais...

je ne serai plus ton épouse sur la terre ; mais je serai toujours ton épouse dans les cieux " .

Je prenois ses mains déja glacées, je les échauffois par mes baisers ardens, par la chaleur de mes soupirs. -" tu veux donc me faire regretter la vie, ajoutoit-elle ? ... le ciel a marqué l'instant. Ah ! Ne le précipite pas...

tes caresses auroient pu me faire revivre dans des jours plus heureux ; mais à cette heure les baisers d'un époux sont mortels " .

Je frémis ; je suspens mes caresses. Des domestiques imprudens avoient laissé la porte de sa chambre entr'ouverte. Ma fille entre tout à coup, se jette sur le lit de sa mere. « -on me défend de la voir, on ne veut pas que je l'embrasse, ma bonne maman ; mais je la verrai, je l'embrasserai malgré tout... eh quoi ! ... ma bonne maman, tu détournes la vue ; tu ne me souris plus, tu ne me caresses plus ; serois-tu fâchée contre moi ? ô ma bonne maman ! Je t'aime pourtant de tout mon coeur... il y a pourtant bien long-tems que je ne t'ai pas embrassée » . Cette intéressante enfant pleuroit, baisoit sa mere. « il faut que tu sois bien malade, ajoutoit-elle, en redoublant ses caresses et ses larmes, car tu es bien triste et bien changée » . Mon épouse ne proféroit pas une parole, et pourtant pressoit sa fille contre son sein palpitant. Je veux la tirer de ses bras. « le mal est fait, dit-elle d'une voix que semble tout à coup ranimer la nature, laisse-moi jouir de ses derniers embrassemens » .

Et ses bras deviennent une plus forte chaîne qui entrelace étroitement sa fille.

Je l'arrache enfin de ces lieux. Des sanglots échapent à mon épouse. Ces sanglots, qui se pressent et sortent avec effort, annoncent le tourment intérieur qu'elle éprouve. Des larmes rares et cuisantes roulent péniblement sous ses paupieres fermées... son regard douloureux m'accuse de barbarie ; sa voix gémissante redemande sa fille.



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