Dieu, le temps, les hommes et les anges by Olga Tokarczuk

Dieu, le temps, les hommes et les anges by Olga Tokarczuk

Auteur:Olga Tokarczuk
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2015-01-19T16:00:00+00:00


Le temps d’Ivan Moukta

Ivan Moukta montra à Isidor toutes les choses importantes.

Pour commencer, il lui montra le monde sans Dieu.

Puis il l’emmena dans la forêt, à l’endroit où l’on enterrait les partisans fusillés par les Allemands. Isidor avait connu beaucoup d’entre eux. Ce spectacle déclencha chez lui une forte fièvre, on dut le coucher dans le lit de sa sœur – dont la chambre était la pièce la plus fraîche. Misia interdit à Ivan Moukta de l’approcher.

— Ça vous amuse de lui montrer toutes ces horreurs ?… Alors que ce n’est encore qu’un enfant !

Elle finit cependant par laisser Ivan s’asseoir au chevet du malade. Il posa son fusil au pied du lit.

— Ivan, parle-moi de la mort et de ce qui arrive après la mort. Et dis-moi si j’ai une âme immortelle, demanda Isidor.

— Il y a en toi une petite étincelle qui ne s’éteindra jamais. Moi aussi, j’en ai une à l’intérieur de moi.

— Tout le monde en a une ? Les Allemands aussi ?

— Oui, tout le monde. Dors maintenant. Quand tu seras guéri, je t’emmènerai chez nous, dans la forêt.

— Laissez-le maintenant, intervint Misia, passant la tête par la porte de la cuisine.

Lorsque Isidor se rétablit, Ivan tint sa promesse et il l’emmena visiter les détachements russes qui campaient dans la forêt. Il le laissa également observer à la jumelle les Allemands de Kotuszow. Isidor fut étonné de constater que, dans les jumelles, les Allemands ne différaient en rien des Russes. Eux aussi avaient des uniformes, ils avaient creusé le même genre de tranchées et portaient également des casques. Il comprenait d’autant moins pourquoi ils tiraient sur Ivan quand il portait dans sa sacoche de cuir les messages du lieutenant. Ils tirèrent également sur Isidor la fois où il accompagna Ivan dans cette mission. Isidor dut jurer qu’il ne le raconterait à personne. Si son père venait à l’apprendre, il lui filerait une raclée.

Ivan Moukta montra encore à Isidor quelque chose que celui-ci ne pouvait répéter à personne. Non pas parce que Ivan le lui avait interdit, mais parce que ce souvenir suscitait chez Isidor la gêne et la confusion. Oui, il avait honte d’en parler, mais ne pouvait s’empêcher d’y penser.

— Toutes les choses s’unissent entre elles. C’est comme ça depuis toujours. Le besoin de s’unir est le plus puissant de tous. Suffit de regarder autour de soi.

Ivan s’accroupit sur le sentier par lequel ils cheminaient et montra du doigt deux insectes accouplés.

— C’est un instinct. Quelque chose qu’on ne peut pas maîtriser.

Tout à coup, Ivan Moukta déboutonna son pantalon et secoua ses organes génitaux.

— Ça, c’est l’instrument de l’union. Il s’adapte au trou entre les jambes de la femme, vu qu’il y a un ordre dans l’univers et à chaque chose en correspond une à laquelle elle s’adapte.

Isidor rougit comme une betterave. Il ne savait quoi dire et baissa les yeux. Ils entrèrent dans un champ derrière la montagne aux Hannetons – hors de portée du tir des Allemands. Près des bâtiments abandonnés paissait une chèvre.



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