Diam's by Mélanie Georgiades

Diam's by Mélanie Georgiades

Auteur:Mélanie Georgiades [Georgiades, Mélanie]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Essai
ISBN: 9782359491159
Éditeur: Seuil Volumen La Martiniere
Publié: 2012-09-26T22:00:00+00:00


Imaginez plus de cinquante mille personnes en train de chanter par cœur, mot pour mot, à la virgule près, une chanson qui avait été écrite à des milliers de kilomètres de là. Les gens devenaient fous, moi-même j’étais submergée par tout ce monde, tous ces sourires, et à la fois je voyais bien ces grands mouvements de foule, cette impossibilité pour beaucoup de pouvoir maîtriser leurs gestes tant le groupe était compact. Le premier refrain était parti, tout le monde chantait et, d’un coup d’un seul, plus rien. Le noir qui s’installe peu à peu, le micro qui ne fonctionne plus, le son qui s’arrête, les lumières qui s’éteignent les unes après les autres. Après une ou deux minutes de flottement, quelqu’un est venu nous dire que la foule était tellement dense que les câbles électriques fixés au sol et autour de la scène n’avaient pas tenu, que l’ensemble avait sauté sous la pression, que c’était irrécupérable. Le concert s’arrêtait là sans même que nous puissions prévenir la foule ! Je regardais au loin, j’avais devant moi une marée humaine, je n’avais jamais vu autant de monde de ma vie. Le Stade de France n’aurait pas suffi, tant ils étaient nombreux. Je suis donc restée sur scène à essayer de faire passer des messages aux gens au premier rang, mais les pauvres étaient tellement compressés qu’ils ne souhaitaient qu’une seule chose : pouvoir sortir. On a bien tenté de demander au public de se calmer, rien n’y faisait, les mouvements de foule étaient de plus en plus réguliers. La seule chose que je pouvais, c’était quitter la scène et, sans dire un mot, laisser tout ce monde se disperser progressivement.

Sur le coup, j’étais très déçue, l’adrénaline avait pris le dessus et cette minute de « La boulette » était si intense que j’y serais restée des heures. Une demi-heure après, je suis un peu redescendue et j’ai relativisé : même si les gens risquaient de critiquer l’organisation, de me traiter d’amateur ou, pire, de diva, dans le fond nous avions évité le pire, prendre le risque que des gens meurent. Le lendemain, j’ai dû retourner au JT de vingt heures et répondre à une interview pour expliquer ce qui s’était passé, et m’excuser auprès de toutes ces personnes qui étaient parfois venues de très loin pour cette seconde annulation, dont je n’étais absolument pas responsable. Nous avions tous sous-estimé ma popularité dans le pays.

Je suis rentrée en France avec une énième déception à mon actif. Comme prévu, les reproches ont fusé d’un peu partout à Yaoundé, et ça me faisait beaucoup de mal d’être injustement pointée du doigt.

À Paris, j’ai aussitôt repris une petite routine aux allures très inquiétantes. La session de studio arrivait à grands pas mais, hormis ces cinq jours d’occupation, il n’y avait rien avant et rien après.

J’ai encore tenu le coup grâce aux médocs. Plus grand monde ne prenait de mes nouvelles ; je n’avais rien à raconter donc je n’appelais personne, je vivais une grande solitude, ma vie était profondément triste.



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