De ronces et d'écume by Danielle Guisiano

De ronces et d'écume by Danielle Guisiano

Auteur:Danielle Guisiano [Guisiano, Danielle]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Rebelle Editions
Publié: 2015-04-12T22:00:00+00:00


15

Il n’était pas loin de midi lorsque le cocher s’engagea sur la place pavée du bourg. Les maisons hautes qui la cernaient abritaient des échoppes et des auberges. C’était jour de marché et la chaussée était encombrée de carrioles et de piétons, passaient aussi par là quelques cavaliers pressés. Les marchands ambulants interpellaient le chaland, vantant la qualité de leur marchandise. L’air était chargé d’odeurs d’épices, d’effluves salés et des cris perçants des enfants. Évy quitta sa voiture et s’engagea prudemment sur la chaussée, elle donna un dernier ordre à son cocher et erra un moment dans le labyrinthe des stands odorants qui lui donnèrent faim.

Karlid était le plus grand port de la région. Son économie était essentiellement basée sur le commerce maritime des ressources de la mer. Les oiseaux navigateurs craillaient en piquant du bec sur les entrailles des poissons que les pêcheurs rejetaient en triant leur récolte. La jeune femme respira les embruns et s’attarda quelques instants face à un marchand d’étoffes, puis vérifiant que personne ne lui prêtait attention, elle sortit un papier froissé de sa poche, et avisa l’adresse où elle devait se rendre. Au bout d’un moment, elle finit par s’apercevoir qu’elle était perdue. Elle tourna le dos à une rue transversale et tenta de retrouver son chemin, suivant un passage étroit qui serpentait entre deux grands murs sombres. Elle s’égara encore plusieurs fois dans les ruelles adjacentes avant de trouver la bonne traverse, puis elle vit l’échoppe dont la devanture étroite était poussiéreuse. Un simple pas de porte sinistre, avec une enseigne scellée de guingois. Emplie d’un sentiment d’urgence, elle jeta un dernier regard en arrière et refoula un soupir en pénétrant dans l’antre, tandis qu’un carillon résonnait pour prévenir le propriétaire de son arrivée. Une matrone vêtue d’une blouse foncée sortit presque immédiatement de l’annexe, les poings sur les hanches. Surprise par cette visite, elle dévisagea l’intruse sans vergogne.

— Tiens donc, que voilà ? fit-elle avec un fort accent rocailleux qui caractérisait les habitants des quartiers pauvres. J’peux qu’chose pour vous ma dame ?

Évy se contenta de lui montrer son papier en murmurant, les lèvres sèches :

— C’est bien ici l’échoppe de Maître Donis ?

Les lieux sentaient le rance supplanté par une autre odeur plus piquante qu’Évy n’aurait su exactement identifier, comme de l’urine ou de l’ammoniaque. L’air était saturé et prenait à la gorge.

— Ah oui, j’vois qu’ vous êtes.

Puis soudain, la grosse dame s’anima, retira la capuche qui masquait la chevelure de la jeune lady et s’agita autour d’elle comme un oiseau de proie, la scrutant attentivement en émettant des petits cris d’appréciation qui ressemblaient à des borborygmes. Puis elle enroula une mèche de cheveux entre ses doigts épais et la lissa tendrement.

— Ben mazette, cet’couleur, elle est pas commune. J’appelle l’ maître.

Une poignée de minutes plus tard, un vieil homme rabougri apparut, la silhouette courbée en avant. Ses cheveux, blancs comme neige, pendaient sur ses épaules affaissées. Son cou était encore enserré d’une serviette à la couleur douteuse. Il avait manifestement été dérangé en plein repas.



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