De plume et de sang - Acte I (French Edition) by Matthias Claeys

De plume et de sang - Acte I (French Edition) by Matthias Claeys

Auteur:Matthias Claeys [Claeys, Matthias]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: HQN
Publié: 2014-10-28T16:00:00+00:00


– Tout va bien ?

C’est Antoine dans mon dos, il m’a entendu ranger précipitamment mon portable au fond de mon sac, l’enfouir.

– Oui, tout va bien. Rien d’assez urgent pour gâcher ce moment en tout cas.

– Regarde, il va bientôt faire nuit. On devrait aller fumer des cigarettes dehors, on allumerait l’autoradio de la voiture et on se roulerait des pelles…

– On pourrait faire ça, oui.

– Comme si on avait 16 ans !

– Tu as des bières ?

Son sourire éclate. C’est incroyable qu’il ne se fasse pas mal à la bouche, à sourire comme ça, sans préavis, d’un coup, si largement. Oui, il a des bières. Quelques minutes à peine plus tard, nous voilà installés, allongés sur l’herbe, l’autoradio qui crachote MGMT, moi, confortable dans le creux de son épaule, lui, qui a sûrement des fourmis dans le bras à cause du poids de ma tête.

– Tu sais, les vaches, tout à l’heure, c’était fait exprès.

Je me redresse, surpris de cette affirmation.

– Pourquoi tu dis ça ?

– Moi aussi j’ai vu que la clôture avait été enfoncée vers l’intérieur, même coupée, puis enfoncée vers l’intérieur. Les vaches ne font pas ça. Les vaches n’ont pas de sécateurs.

J’aurais parié qu’il n’avait pas remarqué… Je tente :

– Ça doit être une querelle entre éleveurs. Ou une blague d’ado, non ?

– Ou c’était pour nous…

– Comment ça « pour nous » ?

– C’était quoi le message qui t’a fait paniquer tout à l’heure ?

– Je n’ai pas paniqué du tout, j’ai…

– Je t’ai vu, Tristan.

Il me regarde droit dans les yeux. Ça devrait me glacer mais ça me fait fondre. J’ai l’impression qu’il me sonde jusqu’au plus profond et c’est délicieux. Je me dis que je ne peux rien lui cacher, et que par conséquent je n’ai pas besoin de prendre la peine de cacher des choses. Et c’est délicieux.

– Des vers, comme ceux sur le sol ce matin, je crois que c’étaient des des vers, un poème, comme celui de ce matin... Mon portable est dans le salon, je peux te montrer…

Il me retient, m’allonge sur lui.

– Ça peut attendre, le message ne va pas s’envoler. Et la nuit a presque fini de tomber.

Je lui prends une cigarette, mon paquet étant vide, et bois dans sa bière. Il joue avec mes cheveux. Le CD de MGMT est terminé depuis un bout de temps, mais tout va bien, il y a plein de petits bruits, et nos respirations à écouter. Parfois, je crois entendre un bruit de pas, mais je me rassure en me disant que je ne suis juste pas habitué à la campagne. Antoine est serein, il se lève au bout d’un moment, met du France Gall et danse. Je le regarde et je ris. J’ai très faim. Je le lui confie alors il m’invite à monter dans la voiture. Il fait le tour pour fermer la maison, et me rejoint.

– Je t’invite au restaurant.

Il dit ça fièrement.

Je ne réponds rien, je ne fais que sourire un peu béatement.

Nous mangeons à l’Auberge du cheval blanc, sous les poutres apparentes.



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