de Paris by Dictionnaire

de Paris by Dictionnaire

Auteur:Dictionnaire [Dictionnaire]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2014-12-31T23:00:00+00:00


Puisqu’il s’agit d’un dictionnaire subjectif, qu’il me soit permis de dire que je ne partage pas cette opinion. Disons que je ne la partage plus.

A quoi bon forcer ma musique, me draper de « parisiennement correct », m’inventer des goûts de fantaisie ? Je n’aime pas trop le Louvre, qu’y puis-je ? Je nuance : je n’aime guère le Grand Louvre, ce mall de luxe, ce centre commercial muséal, ce barnum des beaux-arts. J’aime que les lieux aient une place, un cadre. Quitter Vinci, Poussin, Uccello, pour rallier Nature & Découvertes ou un fast-food asiatique ne m’est d’aucune volupté. Si la pyramide n’est pas sans élégance, son pendant inversé a triste mine. Faire du plus grand musée du monde un aérodrome sans avion me laisse froid.

Je suis parmi ceux (encore nombreux) qui ont connu le Louvre d’avant : un musée malcommode, aux murs grisâtres, dont on trouvait difficilement l’entrée, nichée au creux des guichets. Régulièrement, mon père m’y conduisait, pour voir ces antiquités égyptiennes qui me rappelaient Blake et Mortimer. Dans ce Louvre défunt, pas un chat. La Joconde sommeillait avec courtoisie, car personne ne la réveillait. C’était un Louvre mystérieux, évocateur, presque magique. Le Louvre enchanté par Claude Barma, dans les années 1960, pour l’exquis Belphégor. Il me semblait voir les silhouettes en noir et blanc de Juliette Gréco, François Chaumette et René Dary. Les gardiens de ce musée moribond semblaient eux-mêmes sortis d’un film de Feuillade ou d’un roman gothique. Il faisait peur, ce Louvre d’avant Pei. Il intimidait, il inquiétait. Mais il séduisait. C’était un géant revêche, bougon, qu’il fallait apprivoiser. Aujourd’hui, c’est un restauroute du prêt-à-penser artistique. Ses collections figurent parmi les plus prodigieuses qui soient, hélas noyées dans un magma humain fleurant la basket et le tee-shirt. On impose aux gens de ne pas entrer débraillés dans les églises ou les cimetières. Quid des musées ? Les artistes sont-ils moins respectables que les morts ou les dieux ? Ils sont souvent les deux, et on vient les voir avec un œil de pénitent. Aussi pourquoi ne pas y mettre un peu les formes ? Au lieu de ça le Louvre est un festival de quidams aux bras tendus vers le plafond, les mains vissées à des téléphones mobiles qui leur tiennent lieu de troisième œil. Vivant par procuration, ils aiment l’art comme papier peint. Joconde, Milo et Samothrace sont prétexte à cet avatar hideux et grimaçant de l’autoportrait : le selfie.

J’aime trop Paris et ses secrets pour les noyer dans la foule. Le Grand Louvre suffoque de son succès. Ses queues immenses qui serpentent autour de la pyramide, en une symbolique toute mozartienne, me découragent. Aussi je n’y vais plus. Ce n’est pas du snobisme, du mépris de caste, mais le goût du calme. Les chefs-d’œuvre ne se partagent pas à trois cents. L’omelette aux truffes ne se mange pas à la cantine.

Au vrai, mon seul grand plaisir au Louvre est d’en traverser la Cour carrée, à l’heure du loup, après la pluie. Les pavés



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