De mon sarcophage by Jean Murelli

Auteur:Jean Murelli [Murelli, Jean]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fantastique, Angoisse
ISBN: néant
Éditeur: Fleuve Noir
Publié: 1959-12-31T16:00:00+00:00

CHAPITRE VII

Depuis que je me suis heurté à ce mur d’où la porte a disparu – ou que je n’ai pas su reconnaître – je ne fais que chercher, fureter, errer. Combien de fois ai-je remonté ou redescendu ces marches, gravi la pente du souterrain, tourné autour de cette maison maudite ? Je n’ai pu pénétrer nulle part !

Et si je ne retrouvais plus jamais le professeur ?

À cette pensée, tout ce qu’il y a d’humain sous la peau du batracien s’affole !

Cependant, la journée ne s’est pas passée sans allées et venues. J’ai aperçu Carolus, le teint brouillé, le front inquiet, parlant sur la terrasse avec le gros Barnabé et Karamatsu. Celle-ci plus impénétrable que jamais.

Que disaient-ils ? J’étais trop loin pour entendre.

Un geste de la femme m’a pourtant apaisé. Elle désigna d’un simple mouvement du menton, une fenêtre du premier étage de la bâtisse.

Voulait-elle dire qu’Haimo s’y trouvait ?

C’est ainsi que je le traduisis. Je m’accrochai à cette supposition.

Si le professeur est là, il retournera au laboratoire. Je n’ai plus qu’à le guetter inlassablement, en me dissimulant à l’entrée du souterrain, entre deux pierres. Dès qu’il paraîtra je sortirai de mon trou. Je sauterai, je… J’allais dire je hurlerai ! Mais je ne suis même pas un crapaud hurleur ! Il a fallu que dans l’espèce je sois rangé parmi les plus communs ! Ceux dont on a rien à dire !

Me voici autant humilié en crapaud que je le fus en homme. Le « petit » Beauramin ! Le batracien vulgaire !

Oui mais… c’est bien la première fois qu’un crapaud roux aura ressenti, tout au fond de lui-même, cet effet corrosif de l’orgueil irrité. Pourquoi m’a-t-on fait crapaud, alors qu’il y a des aigles ?

Voilà des réflexions que je ne manquerai pas de livrer aux journalistes qui me questionneront, lorsque j’aurai retrouvé mon corps d’homme et que Léon Beauramin sera devenu un personnage, la célébrité du jour. Ah ! je les vendrai cher les mémoires du crapaud !

Cette perspective me réconforte. Hé ! quoi, rien n’est encore perdu. Le professeur a besoin de terminer son expérience. Ses associés ont besoin de lui voir retrouver son calme, afin qu’il puisse se remettre à leur fabriquer du « pouvoir d’achat » ! Quant à moi, les explorations que j’ai faites dans le parc corseront l’intérêt de ce que j’aurai à révéler. Patientons donc, non comme un homme, mais plus près de la nature : comme un crapaud.

J’approche de la fausse ruine. Encore une allée à traverser et je suis au souterrain.

Halte ! La fille-fauve est là, ramassée derrière les arbustes. Sa chevelure dorée dans le fouillis vert tendre des branches. Je vois son visage de femme, ses yeux, sa bouche, sa peau, tout ce qui me déboussolait, et qui me déboussolerait encore si je redevenais moi-même. Dompter la panthère, la rendre servile, caressante, pâmée de gratitude, inoffensive comme une agnelle, n’est-ce pas un rêve caché dans le cœur de beaucoup d’hommes ?

Pour l’instant la panthère s’ennuie et elle guette. N’importe quelle petite proie fera son affaire.

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