de la politique by Dictionnaire

Auteur:Dictionnaire [Dictionnaire]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Bataille, Politique
ISBN: 9782259216517
Éditeur: Plon
Publié: 2010-12-31T23:00:00+00:00

Gourou

Lorsqu’ils parviennent aux responsabilités écrasantes, les politiques hommes ou femmes s’assurent les services d’un maître à penser, d’une espèce de sorcier comme on en trouvait jadis autour des maharadjahs. Giscard n’avait pas de gourou, seulement un conseiller du Prince, qui s’appelait Jean Sérisé et lui servait de nègre pour ses discours et ses livres. Mitterrand avait des amis, des copains, des collaborateurs, mais personne n’était de taille à lui servir de maître-stratège en politique.

Quand on prononce le mot de gourou, on songe instantanément à Jacques Chirac. L’avant-dernier Président a fait une consommation effrénée de ces grands sorciers. Certains étaient comme des serpents réchauffés dans son sein et ont fini par le mordre : Balladur, bien sûr, mais aussi Charles Pasqua et même le dernier, Jérôme Monod. Bref, il n’a jamais eu la main heureuse, et il aurait mieux fait de n’écouter que Bernadette dont le bon sens et l’art de la communication sont désormais reconnus.

Celui de tous ses gourous qui a laissé le plus de place dans notre histoire, c’est Pierre Juillet, souvent associé à sa diabolique créature Marie-France Garaud. Tous deux ont grandi dans l’entourage de Georges Pompidou, Juillet étant alors un conseiller du premier rang mais non un mentor. Son influence a pris des proportions considérables au fur et à mesure de l’aggravation de la maladie du chef de l’État. Dans les années 1963-67, Chirac est loin derrière son futur gourou, dans la hiérarchie de Matignon, et jusqu’au bout il conservera pour le petit père Joseph une déférence un peu incongrue. Quant à Juillet, dès ses débuts, il a été taraudé par une sombre jalousie envers les « barons » du gaullisme, ces vétérans de la croix de Lorraine qui se considéraient comme les gardiens exclusifs de la flamme. Il nourrissait une aversion particulière pour Chaban-Delmas, général de brigade à vingt-neuf ans, président de l’Assemblée pendant onze ans, Premier ministre et apôtre de la « Nouvelle Société ». Son travail de sape a été couronné de succès : Pompidou a remplacé Chaban-Delmas, comme Premier ministre, par le centurion Messmer, et Chirac, alors « coaché » par le duo Juillet-Garaud, a torpillé l’élection à la présidence de l’enfant chéri du gaullisme.

Une fois accomplie cette dernière besogne, et Chirac installé à Matignon, Pierre Juillet a eu la coquetterie de se retirer dans la Creuse pour y élever des moutons. Mais en mars 1976, après des élections cantonales catastrophiques, la rentrée du gourou auprès de Chirac est annoncé à coups de trompette.

Quand il effectue ce spectaculaire retour dans les coulisses du pouvoir, qu’on me pardonne cette minute d’autosatisfaction, j’ai été bon prophète : « Giscard va laisser Chirac et son conseiller tenter une contre-offensive. Puis dans trois ou six mois, l’expérience prendra fin lorsque la grande bourrasque de ces élections cantonales sera oubliée. » Propos tenus en mars. Aux premiers jours de l’automne, Chirac démissionne et quitte Matignon avec le couple Juillet-Garaud. Pendant trois ans, le gourou et son adjointe vont souffler à Chirac toutes ses initiatives, la conquête de la

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