de la Méditerranée by Dictionnaire

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Auteur:Dictionnaire [Dictionnaire]
La langue: fra
Format: epub
Tags: 2016-08-04T11:01:43.107000-03:00 JF
Éditeur: Plon
Publié: 2015-03-04T23:00:00+00:00


Judaïsme

J’aime et je prie le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob : celui des Juifs, donc – celui, aussi bien, de Blaise Pascal, de mes père et mère, et non celui des philosophes. J’aime la position prééminente du judaïsme dans la révélation du monothéisme et dans la victoire que, le premier, il a remportée sur les idoles païennes et les faux dieux. Ce n’est pas non plus le dieu des philosophes, puisqu’il s’est révélé dans l’Histoire et a parlé par la bouche des prophètes. La notion de prophétie m’a toujours intéressé autant que la mystique, dont elle est en quelque sorte inséparable, tout comme l’alliance entre Athènes et Jérusalem, notamment chez Philon d’Alexandrie qui avait réussi à articuler la symbolique de la Loi mosaïque et l’esprit hellénistique, à la source de la patristique chrétienne. Catholique, je lis la Bible comme on ne m’a pas demandé de le faire, enfant, y retrouvant ce que m’en racontaient les bonnes sœurs qui me catéchisaient, à Beyrouth, en me racontant Samson, Daniel, David, Loth et ses filles, Sodome et Gomorrhe, Esther, etc. Ces figures de l’Ancien Testament, une fillette m’en parlait aussi, d’une voix extrêmement douce, dans la cour du lycée franco-libanais, en 1960 : Myriam Hazan, une jeune Juive libanaise, d’une grande beauté, aux cheveux d’un blond vénitien. Elle trouvait épouvantable mon accent méridional et m’a aidé à le faire passer ; d’où mon accent libanais. Le vert paradis des amours enfantines avait pour moi la couleur violente de la Bible déployée dans la plus jolie des bouches qui me montrait un peu d’hébreu, dans le quartier de Hamra, à Beyrouth ouest, qu’elle lisait dans une Bible hébraïque, devant un chandelier à sept branches, tout en m’expliquant les interdits formulés dans le Lévitique : des interdits que je comprends d’autant mieux que j’ai toujours placé les interdits religieux plus hauts que le code civil. Je me souviens aussi qu’un des chauffeurs de mon père, un Grec catholique, était honni de sa famille pour avoir épousé une Juive, que je contemplais, lorsque je me rendais chez eux, avec une sorte de respect craintif, quoiqu’elle se fût convertie au christianisme. Je me suis souvenu de lui lorsque j’ai eu des histoires d’amour avec des Juives qui m’ont beaucoup parlé de leur religion… Aujourd’hui encore, je m’émerveille que les chrétiens lisent le livre des Hébreux et l’articulent au Nouveau Testament. Une singulière alliance qui me fait me demander comment l’antisémitisme a pu, dans ces conditions, se développer en terre chrétienne, le judaïsme continuant de nous irriguer, et la Bible de nous nourrir, même si saint Paul a pu nous détourner de bien des choses. La Pâque juive m’a toujours beaucoup impressionné à l’époque, autant que le jour du Grand Pardon (Kippour) ; et si je hais le syncrétisme religieux, je me suis intéressé à ces grandes hérésies juives que sont Marx et Freud, et j’ai surtout lu certains livres de Levinas, sa théorie du visage comme lieu de surgissement de l’altérité, pour ce qu’ils ont d’universel, comme les prophètes bibliques, comme le Christ.



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