De la colère by Sénèque le Jeune

De la colère by Sénèque le Jeune

Auteur:Sénèque le Jeune [Jeune, Sénèque le]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2012-03-10T20:07:31+00:00


ses espérances. C’est bien là ce qui fait qu’un rien nous indispose contre nos domestiques, et que dans un ami la moindre négligence est taxée d’injure.

"Et l’injure qui vient d’un ennemi, pourquoi donc nous émeut-elle si fort ?"

C’est qu’elle a lieu contre notre attente, ou qu’elle la surpasse ; c’est l’effet de notre excessif amour-propre : nous croyons que pour nos ennemis mêmes nous devons être inviolables. Le plus obscur mortel nourrit les prétentions d’un roi : il veut pouvoir tout sur les autres, et que les autres ne puissent rien sur lui. On n’est donc irascible que par ignorance des choses, ou par présomption. Connaît-il bien les choses humaines, celui qui s’étonne que le méchant opère le mal ; qui trouve étrange qu’un ennemi lui nuise, qu’un ami le désoblige, que son fils s’oublie, que son valet manque à sa tâche ? La plus pitoyable excuse est ce mot : "Je n’y avais pas pensé." Fabius le blâmait dans un chef d’armée ; je le blâmerai, moi, dans tout homme. Croyez tout possible ; attendez-vous à tout : les plus doux caractères auront leurs aspérités. La nature produit des amis insidieux, des amis ingrats, des amis cupides, des amis pour qui rien n’est sacré. Avant d’accuser les méfaits d’un seul, considérez la race entière des hommes. C’est au sein de la plus vive joie qu’il faut craindre le plus : quand tout vous paraîtra calme, les orages ne manquent pas ; ils sommeillent : comptez toujours sur quelque fléau prêt à vous frapper. Le pilote ne livre jamais toutes ses voiles avec une confiance absolue, il s’arrange pour tout replier au besoin. N’oubliez pas surtout que la passion de nuire est un sentiment affreux, haïssable, le moins fait pour le cœur de l’homme, lui qui, par ses bons traitements, se plaît à apprivoiser même les plus farouches animaux. Voyez l’éléphant courber sa tête sous le joug ; le taureau laisser impunément sauter sur son dos des enfants et des femmes ; des serpents glisser et se jouer innocemment sur nos tables et dans notre sein ; en nos maisons, des lions et des ours livrer patiemment leurs gueules à l’homme, rendre à la main qui les flatte caresses pour caresses, et rougissez de laisser vos mœurs aux animaux pour prendre les leurs.

C’est un sacrilège de nuire à la patrie, par conséquent à un concitoyen ; il est membre de la patrie : quand le tout est sacré, les parties ne le sont pas moins.

L’homme est donc tenu de respecter l’homme, qui est pour lui concitoyen de la grande cité. Qu’arriverait-il, si nos mains voulaient faire la guerre à nos pieds, et nos yeux à nos mains ? L’harmonie règne entre les membres du corps humain, parce que tous sont intéressés à la conservation de chacun ; de même les hommes doivent s’épargner les uns les autres, parce qu’ils sont nés pour la société, laquelle ne saurait subsister sans l’appui mutuel et bienveillant de ceux qui la composent.

Les vipères mêmes



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.