« De Grace Especial » Crime, État et Société en France a la Fin du Moyen Âge by Claude Gauvard

« De Grace Especial » Crime, État et Société en France a la Fin du Moyen Âge by Claude Gauvard

Auteur:Claude Gauvard [Claude Gauvard]
La langue: fra
Format: epub
Tags: histoire, violence, Moyen Âge, criminalité, XIVe siècle, justice, coutume, XVe siècle, grâce, condition sociale, moeurs
ISBN: 9791035102395
Éditeur: Éditions de la Sorbonne
Publié: 2019-09-20T13:42:18+00:00


Notes

1 M. BLOCH, Les caractères originaux..., p. 172 et suiv. Nombreux aperçus de ce vide historique dans R. BOUTRUCHE, La crise d’une société..., p. 122-128. M. BOURIN et R. DURAND, Vivre au village..., p. 78 et suiv., ont repris le problème en s’attachant à décrire les formes prises par les solidarités paysannes. Pour l’exemple précis du Biterrois, M. BOURINDERRUAU, Villages médiévaux..., t. 2, p. 79-95.

Chapitre 11. L’espace maîtrisé

Acte de populations ordinaires, le crime crée l’événement et perturbe un vécu dont il importe maintenant de dégager les caractères. L’entreprise est à la fois facile et hasardeuse. Facile parce que le crime se présente comme une brisure du quotidien dont il sert à révéler la trame. Hasardeuse parce que seules l’enquête qui conduit à la rémission et les exigences plus ou moins tatillonnes de la Chancellerie le permettent. Les archives de la justice ordinaire sont sur ce point silencieuses ; à peine suggèrent-elles des comparaisons. La rémission est donc essentielle mais elle pose un certain nombre de difficultés. La définition des coordonnées du crime est construite a posteriori sans qu’on puisse déceler avec précision ce que le récit doit au spontané ou à la réponse suscitée. Tous les mécanismes de la mémoire se mettent sans doute en marche pour répondre à cette interrogation des autorités mais ils sont biaisés par un questionnaire, par la nécessité de la justification. Nous avons déjà rencontré ces contraintes dans la manière de dire l’âge des suppliants. S’ajoute dans le cas qui nous intéresse maintenant le délai entre le crime et la rémission, délai qui peut freiner la mémorisation du crime. Il ne faut pas cependant en exagérer la portée. Ce délai est beaucoup plus court que ne le supposerait une légendaire inefficacité de l’Etat. Dans près de 60 % des cas, il est inférieur à un an. Sur les 40 % qui restent, environ 10 % de cas seulement renvoient à un passé flou et lointain quand le crime a eu lieu « nagueres »1. Le manque de fiabilité de la mémoire ne dépend donc pas, on le voit, de la lenteur de l’Etat en matière judiciaire. En réalité, se situer dans le temps et dans l’espace n’est pas encore une attitude naturelle, encore moins un réflexe. Les études menées sur le travail des historiens au Moyen Age ont déjà montré comment dans un monde que la culture privilégie, cette conquête avait été lente et difficile ; à plus forte raison quand il s’agit d’un monde ordinaire2. L’analyse des résultats de cette enquête ne doit donc jamais perdre de vue qu’il s’agit là d’un effort du suppliant ou de sa famille pour donner corps à l’événement. Comment s’opère cette prise de conscience et comment se formule-t-elle ?



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