De Gaulle, Israël et les Juifs by Raymond Aron

De Gaulle, Israël et les Juifs by Raymond Aron

Auteur:Raymond Aron [Aron, Raymond]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Raymond Aron, De Gaulle, Histoire, Politique Française, Israël, Juifs, État français
Éditeur: © 2020 pour la présente édition, Société d’édition Les Belles Lettres
Publié: 2020-01-09T23:00:00+00:00


D’un conseil des ministres à l’autre1

Le 24 mai, pendant la première phase de la crise du Moyen-Orient, le général de Gaulle proposa aux « grandes puissances » directement intéressées au conflit de « se concerter ». Ainsi, avant 1914, les « grandes puissances » s’efforçaient d’imposer un arbitrage afin d’éviter le pire. Le président des États-Unis, qui ne savait trop quoi faire, se hâta d’accepter la proposition française, évidemment écartée par les dirigeants de l’Union Soviétique. Ceux-ci, selon toute probabilité, ne souhaitaient pas l’ouverture des hostilités, mais, ayant, de multiples manières, encouragé le président Nasser, ils ne pouvaient se prêter à une collusion apparente avec « les impérialistes » au moment même où ils espéraient un succès diplomatique de leurs protégés arabes.

La formule de la « concertation entre grandes puissances » appartient à la tradition diplomatique. Union soviétique, Grande-Bretagne, France, États-Unis ont, à coup sûr, un trait commun : la possession d’armes atomiques. Si la Chine populaire occupait le cinquième siège permanent au Conseil de sécurité, les cinq membres du Club atomique seraient en même temps les cinq membres permanents du Conseil de sécurité. Il faudrait cependant un optimisme extrême ou un aveuglement volontaire pour mettre France et Grande-Bretagne dans la même catégorie qu’Union soviétique et États-Unis. L’auteur du Fil de l’épée est le dernier qui puisse se faire des illusions à ce sujet et s’imaginer que le verbe remplace l’action ou que le prestige moral tient lieu de moyens matériels.

S’il s’agissait de l’Europe, une réunion au sommet des Quatre serait autre chose qu’une fiction. Au Moyen-Orient, il y a, d’une part, les acteurs locaux — Israël et les pays arabes —, d’autre part les deux Grands avec, peut-être, à l’arrière-plan, l’ombre menaçante de la Chine. L’Europe des Six s’occupait de betteraves pendant ces jours historiques.

À deux ou à quatre, « la concertation » des grandes puissances arrivait trop tard, après les jours décisifs, entre le 19 et le 22 mai, durant lesquels le président Nasser avait pris les décisions qui déclenchèrent la machine infernale. Les relations entre la Maison-Blanche et le Kremlin ne permettaient guère au président Johnson d’expliquer à M. Kossyguine la suite prévisible des événements. Le président américain n’avait le choix qu’entre deux termes : ou bien faire savoir à l’avance et secrètement au président Nasser qu’il ne tolérerait pas la fermeture du golfe d’Akaba, ou bien tolérer le blocus et promettre à Israël un appui diplomatique. Il choisit le deuxième terme de cette alternative.

Le 24 mai, le général de Gaulle avait invité les Quatre à se concerter. Le 2 juin, au Conseil des ministres suivant, un texte rédigé par le président de la République précisait que « la France estime que le pire serait l’ouverture des hostilités. En conséquence, l’État qui, le premier et où que ce soit, emploierait les armes n’aurait ni son approbation ni, à plus forte raison, son appui ». Entre les deux conseils des ministres français, le ministre de la Défense de la R.A.U. s’était rendu à Moscou, le président Nasser avait



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