De Gaulle 1 by Le Rebelle

De Gaulle 1 by Le Rebelle

Auteur:Le Rebelle [Rebelle, Le]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2020-06-25T07:27:25+00:00


23. L’ombre de Vichy

D’échec en déception, de Gaulle croît. Mais Vichy « tient ». Le général proclame qu’il est la France. Mais le maréchal maintient — sans outrecuidance — qu’il l’incarne. D’un côté, « une certaine idée ». De l’autre, une évidente réalité. Essence et existence… D’une part, la France telle qu’elle devrait être, d’autre part, les Français tels qu’ils sont — cramponnés dans la tempête au radeau de Vichy, à la vieille gloire et à la présence actuelle du maréchal.

À la fin de 1940, ni la reconnaissance accordée par Churchill au « chef des Français libres », ni la consolidation de l’équipe londonienne, ni les ralliements africains, ni les émissions diffusées par la BBC, ne mettent le « gaullisme » à l’abri d’un isolement qui pourrait le conduire à l’extinction. Une telle entreprise ne vit que de mouvement, de fanfares, de progrès — alors que sa quotidienneté inerte mais bien enracinée assure à Vichy la durée.

Le pouvoir installé dans la station thermale auvergnate comme un retraité colonial podagre — situation qui avait d’abord paru « peu sérieuse » au maréchal lui-même qui aurait préféré s’installer à Lyon (1) — ne vit pas que de sa pesanteur spontanée et du pelotonnement frileux autour du père. En zone sud (dite « non occupée » — ce qui est exact — ou parfois « libre » — ce qui est abusif, compte tenu du formidable voisinage nazi et de la présence des commissions d’armistice), s’est élaborée une sorte de mystique de compensation faite de nostalgie passéiste et rurale, de souvenirs de Verdun, de rancunes contre la IIIe République franc-maçonne, de fragments de Péguy mal cités et de hoquets d’un Maurras cacochyme, d’un peu de corporatisme, de pas mal de cléricalisme et de beaucoup de militarisme de type « anciens combattants ». Pot-pourri qui se présente comme une « révolution nationale », si peu révolutionnaire qu’elle se réfère surtout aux classiques du conservatisme flamboyant et si peu « nationale » qu’elle fait mine d’oublier que les trois cinquièmes du territoire sont aux mains de l’occupant le plus féroce de notre histoire.

Peu importe à la masse traumatisée que ce système soit patronné par un peloton de généraux vaincus pour n’avoir su préparer la guerre, d’amiraux sans navires et de politiciens en mal de revanche à prendre sur la république défunte. L’essentiel est, sous l’égide sécurisante du vieux chef, d’abord la neutralisation du pays blessé et ensuite le grand règlement de comptes avec le passé. Écrasés par l’armée allemande, les Français se vengent sur le Parlement, les partis et les juifs, cibles moins redoutables que le Führer-chancelier et ses SS.

C’est le temps des transmutations : au présent trop amer est substitué un passé mythique, à l’ennemi et occupant, les cadres malheureux du régime abattu, et à un vieillard somnolent, le vainqueur de 1917. Cette foire aux illusions séduit.

Le maréchal, en sa cour thermale, est populaire. Douze millions de ses portraits seront vendus au public en 1941 : près d’un par foyer… Sur son passage, les foules accourent et on lui donne les enfants à bénir — ou presque.



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