Coup de foudre by Ken Kalfus

Auteur:Ken Kalfus
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9781632866301
Éditeur: Bloomsbury Publishing
Publié: 2019-11-28T00:00:00+00:00

VIII.

Chaque année près de trois millions de filles et de jeunes femmes d’Afrique et du Moyen-Orient sont soumises à une intervention qui leur enlève des parties de leurs organes génitaux extérieurs. D’habitude cette opération coupe la chape clitorale ainsi que le clitoris lui-même ou bien elle coupe le clitoris et les lèvres inférieures ou enfin elle consiste en l’excision complète du clitoris, des petites et des grandes lèvres, suivie d’une fusion de la plaie laissant une petite ouverture pour permettre le passage de l’urine et du sang menstruel. Ces mesures sont souvent prises par des praticiens traditionnels, sans anesthésie et dans certaines communautés, la tâche revient au barbier local. Selon Amnesty International, dont l’enquête est ouverte sur mon bureau depuis des semaines, « des morceaux de verre cassés, un couvercle de boîte de conserves, des ciseaux, une lame de rasoir, ou quelque autre instrument tranchant » peuvent être utilisés. La pratique est perçue comme une cérémonie d’initiation à la vie adulte, qui distingue les femmes des hommes, particulièrement dans les communautés où le clitoris est vu comme un « organe masculin » atrophié. L’opération « purifie » une femme, la préparant à son rôle de mère (même si dans le cas de la troisième opération, celle la plus radicale, qu’on appelle « circoncision pharaonique », il faut rouvrir la suture à l’accouchement pour permettre au nouveau-né de franchir le vagin). Les défenseurs de la pratique la présentent comme essentielle à l’identité culturelle, un héritage transmis de mère en fille, de génération en génération. Sa fonction principale, cependant, est celle de minimiser le potentiel de plaisir sexuel féminin. En Guinée, selon le Département d’Etat des Etats-Unis, 98,6 pour cent des filles se soumettent à l’intervention.

J’ai devant moi plusieurs livres étalés sur mon bureau, de nombreux fichiers sur mon écran d’ordinateur. Voilà ce que j’ai pu reconstruire d’après les données publiques et l’enquête diligente de mes avocats : Mariama Fofana, originaire d’un village des collines guinéennes qui parle peu, fut circoncise à l’âge de sept ans, une opération pour laquelle elle ne remercia ni sa mère, ni sa grand-mère, et qu’elle refusa de faire faire à sa propre fille. Sa principale motivation pour quitter son pays natal, une fuite qui demandait un courage considérable, était de protéger sa fille de la mutilation génitale. Bien qu’elle n’ait elle-même jamais connu de plaisir sexuel et fut élevée dans un environnement dans lequel le plaisir sexuel féminin était un oxymore dangereux, Mariama sut risquer sa vie et subir la privation pour avoir reconnu que le sexe était un droit que sa fille avait acquis à la naissance.

La quête de plaisir sexuel à laquelle d’autres ont pu se vouer n’a fait connaître à Mariama que misère et maladie. Quand elle avait vingt-deux ans, déjà mère, des soldats sont entrés dans la boutique du village dans laquelle elle travaillait. Ils l’ont emmenée avec une autre femme dans une prison locale. Là, les deux femmes ont été violées. Peut-être est-ce à ce moment-là que Mariama est devenue séropositive au VIH.

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