Contes et nouvelles by Léo Malet

Contes et nouvelles by Léo Malet

Auteur:Léo Malet
La langue: eng
Format: mobi
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


Épilogue

Le Pr Robertrius, de l’université de Lug-Uber, se tut. Son récit était terminé. Depuis longtemps, son débit lent et monocorde avait plongé dans le sommeil la presque totalité de son auditoire. Je n’ai pas un souvenir très précis de ce qui suivit et je ne peux jurer avoir vraiment assisté à la scène que je vais rapporter. Peut-être l’ai-je rêvée. peut-être étais-je éveillé et est-elle réelle. Quoi qu’il en soit.

Le Pr Robertrius, je l’ai dit, se tut et se désaltéra longuement, estimant en avoir acquis le droit.

— Et la maison ? interrogea fiévreusement Albert Grémian, dont les yeux luisaient dans la pénombre. Qu'est devenue la maison ?

— Elle a brûlé, répondit l’universitaire. Ne vous l’ai-je pas déjà dit ?

— Et les deux vieillards ?

— Ils ont péri dans les flammes.

— En êtes-vous sûr ?

— Bizarre question, commenta l’autre qui, repris par son tic, se frictionna vigoureusement l’os frontal.

— Que l'étrangeté de tout le reste justifie, répliqua le jeune homme en deuil. Etes-vous sûr que les deux vieillards aient péri dans le sinistre ? répéta-t-il.

Le Pr Robertrius ne répondit pas tout de suite. Il se versa une copieuse rasade d’alcool, l’avala d’un brusque mouvement de tout le corps rejeté en arrière. Ses yeux fixés sur Albert pétillaient de malice.

— Hé, hé, gloussa-t-il, enfin, comme s’il mijotait une excellente plaisanterie. Hé, hé ! à bien réfléchir, il se pourrait que l’un d’eux y ait échappé.

— Bob Rusiter, sans doute ? Quel était cet homme étrange?

— Un humble professeur ès sciences surnaturelles, rien de plus.

— Vraiment rien de plus? Avez-vous remarqué que son nom est l’anagramme du vôtre ?

— Oui.

— Pourquoi croyez-vous qu’il ait réussi à passer à travers les flammes ?

— Parce qu’il ne sentait pas le feu du cigare qui lui brûlait les lèvres ! Parce que pour lui l’eau-de-vie n’est guère plus forte que l’eau de source ! Parce que le brasier est son élément !

En prononçant ces phrases, le vieux professeur étendit la main. Une langue de feu jaillit sur sa paume. Elle y dansa un instant, faisant sous son rutilant éclat pâlir la lumière des flambeaux, puis disparut.

— Voilà le sceau de ton passeport ! s’écria Albert, d’une voix vibrante.

Frémissant, il fit un pas en direction du magicien :

— Alors, tu es celui que j'attends.

— En avais-tu jamais douté ? s’exclama l’autre, avec un ricanement prolongé. Crois-tu que, même si l’on m’invoque par le truchement douteux d’un apprenti occultiste, se soit en vain ? Que je sois un poseur de lapins ? Décidément, je suis un grand calomnié. Ainsi, je passe pour être peu généreux, insensible aux beaux sentiments et incapable d’une action chevaleresque. Quelle erreur ! Ne t’ai-je pas raconté l’histoire de Martin Valmeroux simplement pour te mettre en garde contre le désir malsain qui germe en ton cœur ?

— Cesse ton insolent persiflage ! Et ne faisons pas de manières entre nous. Peux-tu me rendre le même service qu’à Martin Valmeroux ?

— Si tu veux. Mais tu sais à quoi tu t’engages. Chaque mois, un amant nouveau pour ta maîtresse.



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