Complot pour demain by Paul Kenny

Auteur:Paul Kenny [Kenny, Paul]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Espionnage
Éditeur: Fleuve Noir
Publié: 2013-12-14T00:00:00+00:00

CHAPITRE IX

Lorsqu’il eut étudié les dépositions des accusés, les rapports des inspecteurs Mauduit et Lechat et le compte rendu du procès établi par le greffier, Coplan s’avisa que le personnage principal avait été laissé hors de cause, et que par conséquent on n’avait pas perquisitionné chez lui.

À part le nommé Marco Spontini, les autres jeunes gens avaient désigné Jacques Lebaut, l’artiste, comme leur guide spirituel. Tout en jurant qu’ils n’avaient pas agi à son instigation, ils se réclamaient de son influence, s’affirmaient les disciples de son idéologie.

Évidemment, les inspecteurs de la P.J. n’avaient rien découvert de répréhensible contre lui, mais il n’en restait pas moins que Lebaut dominait intellectuellement ce « club » mentionné par les étudiants.

Dans l’optique de Coplan, c’était là une raison suffisante pour s’intéresser de plus près à cet individu que ses fidèles qualifiaient de prophète.

En possession de son adresse, relevée parmi d’autres dans le dossier pénal, Coplan se mit en devoir de rassembler plus de renseignements sur ce quidam.

Il partit à sa recherche, en fin d’après-midi, et commença par se rendre rue de Vaugirard. Il déambula longtemps aux environs du 92, s’attarda devant des vitrines, changea maintes fois de trottoir sans cesser de garder à vue l’entrée de l’immeuble.

Sa patience fut récompensée vers huit heures du soir. Lebaut sortit, reconnaissable d’emblée à sa dégaine de philosophe beatnick, avec ses cheveux tombant sur ses épaules.

À pied, Lebaut remonta jusqu’au Luxembourg, traversa le boulevard Saint-Michel qu’il redescendit pour pénétrer dans un des petits restaurants bon marché que fréquentent les jeunes du Quartier latin.

Il y mangea en moins d’une demi-heure, ressortit, emprunta la rue Cujas. Malgré sa tenue négligée et ses épaules tombantes, il n’avait pas cet aspect avachi, vaguement sale, qui caractérise le mépris des anarchisants pour les conventions sociales.

Après avoir tourné un coin de rue, il poursuivit son chemin jusqu’à la porte, entourée de lampes de couleurs diverses, d’une sorte de boîte de nuit et s’y engouffra.

Quand Coplan parvint à la hauteur de cette maison, il entendit un rythme féroce scandé par des guitares électriques. Incertain, il continua à marcher pour se donner un temps de réflexion, s’arrêta une trentaine de mètres plus loin à l’angle de deux artères.

S’étant retourné, il vit d’autres types à la crinière abondante, en pantalons collants à taille basse, et des filles à toison filasse dont le bas de la robe venait à mi-cuisses, pénétrer successivement dans cet antre du jerk.

Passer inaperçu dans une semblable clientèle, Coplan ne devait pas y compter. Aux yeux de ces adolescents, il était un croulant, un étranger dont la mise ne pouvait qu’éveiller la suspicion.

Ce ne pouvait être dans un endroit aussi bruyant que Lebaut professait ses théories. Les jeunes gens qui se réunissaient là étaient avides de gesticuler, de se mettre en transe jusqu’à l’épuisement de leur fièvre, et surtout pour ne pas penser !

Obscurément agacé de ne pouvoir s’infiltrer dans ce milieu, Coplan changea de trottoir et remonta lentement vers la rue Cujas. Quelqu’un lui prit le bras.

— Qu’est-ce que tu fiches dans ce coin ? demanda Legay, intrigué.

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