Comment notre monde a cessé d'être chrétien by Guillaume Cuchet

Comment notre monde a cessé d'être chrétien by Guillaume Cuchet

Auteur:Guillaume Cuchet [Cuchet, Guillaume]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Le Seuil
Publié: 2018-11-15T05:00:00+00:00


Figure 9. Courbe de la pratique par âge

(diocèse de Nantes, 1958)

SOURCE : La Pratique religieuse dans l’agglomération nantaise, t. 3, Nantes, Commission de sociologie de la Mission de Nantes, 1958, p. 5 (14 PP 70, diocèse de Nantes, CNAEF).

Il reste que les raisons de ce surdécrochage des baby-boomers par rapport à leurs devanciers demeurent, malgré tout, assez mystérieuses. Le phénomène nous parle a priori autant de leurs parents que d’eux-mêmes, dans la mesure où, bon gré mal gré, les premiers ont laissé faire les seconds. Une génération peut toujours en cacher une autre30. Il faudrait poursuivre l’enquête mais on peut noter d’ores et déjà que ces parents étaient nés généralement dans l’entre-deux-guerres et que paradoxalement, sur le plan religieux, ils ont appartenu à des générations qui étaient plutôt plus religieuses que les précédentes (de l’époque de la séparation des Églises et de l’État).

Quoi qu’il en soit, il me semble que ce déclin a procédé de l’addition de deux phénomènes assez différents : une amplification du décrochage des jeunes, lequel était très ancien et presque structurel depuis les lendemains de la Révolution, et un moindre accrochage de la génération en amont par la communion solennelle, appelée de plus en plus « profession de foi »31, soit parce que les catéchismes étaient moins fréquentés, soit parce qu’on a cessé d’exiger des enfants qui les fréquentaient qu’ils assistent à la messe dominicale, comme c’était le cas jadis, en leur faisant dûment poinçonner un bulletin spécial.

On l’a un peu oublié en effet, mais beaucoup d’enfants entre 9 et 12 ans allaient à la messe sans leurs parents, où ils rejoignaient sur les bancs leurs camarades du catéchisme de communion. Dans certaines paroisses urbaines des années 1950, on a commencé à proposer des messes d’initiation spécialement pour les enfants. Il est vrai qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dans bon nombre de paroisses, notamment rurales, les familles se séparaient encore en arrivant à l’église, les hommes partant d’un côté, les femmes de l’autre, les jeunes filles se rassemblant derrière l’harmonium et les enfants dans les premiers rangs, pour la discipline. Dans un rapport de 1946 sur la pratique religieuse dans le diocèse de Rodez, un ecclésiastique commentait : « Nos paroissiens démolissent leur propre famille pour former la famille paroissiale32. »

Le premier facteur est donc sans doute la réduction de la base d’accrochage de la génération à travers le rite de la communion solennelle33. Les règlements diocésains des années 1950 précisaient encore clairement que, pour y être admis, il fallait assister régulièrement à la messe et au catéchisme, et se confesser au moins une fois par mois. L’attachement à ce rituel de terminaison de l’enfance était encore largement répandu. Il fournissait à la famille l’occasion de se réunir, faisait plaisir à ses représentants les plus pieux (et on avait encore facilement un oncle prêtre ou une tante religieuse) et laissait des souvenirs émus à tous, surtout lorsque les enfants venaient demander pardon à leurs parents de leurs offenses passées. Le décrochage de la pratique



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.