Clair Obscur by Lily Haime

Auteur:Lily Haime [Haime, Lily]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: MxM Bookmark
Publié: 2015-08-04T16:00:00+00:00

Je peux fermer les yeux et y croire.

09

chapitre 9

« Je te contemple en train de dormir. Dans mon lit. Allongé sur le ventre, tu as posé la tête sur mon coussin, le bras étendu le long de la place que je laisse vide. Tu sembles me chercher dans ton sommeil et je suis déjà de mauvaise humeur rien qu’à l’idée de te quitter. J’aurais voulu rester, parler encore, t’expliquer mieux.

J’aurais aimé que l’on ait plus de temps, mais mon téléphone sonne déjà et, sur mon répondeur, il y a les pleurs d’une mère en deuil. Alors je te laisse, je remonte le drap sur toi, j’embrasse ta joue. Et puis soudain, tu ouvres les yeux et tu me fixes. Tu ne dis rien, mais tu souris avant de grogner et de replonger dans le sommeil sans te soucier de l’heure qu’il peut être.

Je pose mes lèvres sur ton épaule, je niche mon visage dans la courbe de ton cou et j’écoute, lente, la musique de ton cœur qui bat, le rythme profond de ta respiration.

Je pense déjà à ce soir. Au moment où je vais enfin te retrouver.

Et la journée m’apparaît moins dure, moins longue. Puisque chaque minute me rapprochera de ce moment-là. »

v

J’essayais de me concentrer sur ce que je lisais, mais c’était peine perdue. J’avais le corps nu de Sevan imprimé sur ma rétine et je souriais comme un imbécile devant la montagne de papiers qui nous entourait, Jek et moi. Heureusement, mon père vint nous délivrer de notre faim et de notre grogne administrative. Il frappa à la porte et j’arrêtai de faire semblant de m’intéresser à ce que Jek me montrait avec agacement, sachant pertinemment que j’étais à des lieues de lui.

— Entre papa !

Je jetai un coup d’œil à l’heure – midi et demi. Nous avions encore une bonne heure pour réussir à opter pour le statut de notre entreprise. Et Jek comme moi, nous n’y connaissions absolument rien. La seule à avoir monté un commerce était Trudy, avec son magasin de fleurs, et elle avait créé une entreprise individuelle, ce que nous ne pouvions pas faire puisque nous étions deux, Jek et moi. Cela faisait des semaines que nous aurions dû commencer ces démarches. On l’aurait su si ce projet était organisé d’une quelconque façon. En fait, il avait tout d’une folie qui commençait à prendre vie.

Mon père débarqua dans la cuisine avec les plats du traiteur que je l’avais supplié de nous apporter. Il les posa devant nous, grimaça devant le bordel étalé sur la table.

— Vous croyez vraiment que vous allez réussir à ordonner vos pensées dans un foutoir pareil, les garçons ?

— Toutes ces conneries me crispent, bon sang ! se plaignit Jek. En fait, jusqu’à hier, je ne croyais même pas qu’on arriverait au bout des travaux un jour.

— Moi non plus, marmonnai-je.

Nous y avions passé tous nos salaires et même plus que ça, mais sans y croire vraiment. C’était au jour le jour, un délire après l’autre.

Mon père s’assit sur la seule chaise disponible et nous tendit les emballages en carton de nos plats chinois.

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