Cible mouvante by MacDonald Ross

Cible mouvante by MacDonald Ross

Auteur:MacDonald, Ross [MacDonald, Ross]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Polar, Roman noir
Éditeur: Gallmeister
Publié: 2016-02-02T00:00:00+00:00


Chapitre 18

MME KROMBERG était dans la cuisine avec la cuisinière, une femme agitée, aux cheveux blancs et aux hanches maternelles. Elles sursautèrent toutes deux lorsque j’ouvris la porte de l’office.

— J’étais au téléphone, dis-je.

Mme Kromberg parvint à afficher un sourire froissé.

— J’ignorais que vous étiez là.

— Combien y a-t-il de téléphones dans cette maison ?

— Quatre ou cinq. Cinq. Deux en haut, trois en bas.

J’abandonnai l’idée de les vérifier tous. Trop de gens pouvaient y avoir accès.

— Où est passé tout le monde ?

— M. Graves a réuni les employés dans le salon de devant. Il voulait savoir si quelqu’un avait vu la voiture qui a laissé la lettre.

— Et ?

— Non. J’ai bien entendu une voiture il y a un moment de ça, mais je ne m’en suis pas souciée. Il y a plein de gens qui viennent faire demi-tour comme ça devant la maison. Ils savent pas que c’est un cul-de-sac. (Elle s’approcha de moi et passa au chuchotement.) Elle disait quoi, cette lettre, monsieur Archer ?

— Ils réclament de l’argent, dis-je en m’en allant.

Dans le couloir, je croisai trois autres employés : deux jeunes Mexicains en tenue de jardinier, tête basse l’un derrière l’autre, et Felix, qui fermait la marche. Je le saluai d’un geste, mais il ne réagit pas. Ses yeux étaient opaques et luisants comme des galets de houille en combustion.

Graves était accroupi devant la cheminée du salon, occupé à retourner une bûche noircie avec le tisonnier.

— Qu’est-ce qu’ils ont, les employés ? lui demandai-je.

Il se leva en grognant et jeta un coup d’œil vers la porte.

— Je crois qu’ils se sentent soupçonnés.

— Ça ne nous arrange pas.

— Je n’ai rien dit qui puisse leur laisser croire ça. C’est une idée qu’ils ont absorbée par osmose. Je leur ai juste demandé s’ils avaient vu la voiture. En fait, ce qui m’intéressait, c’était évidemment de voir leurs réactions.

— Tu crois que c’est un coup de l’intérieur, Bert ?

— À l’évidence, pas complètement. Mais l’auteur de notre petit collage épistolaire est trop bien renseigné. Comment a-t-il su, par exemple, que l’argent serait prêt pour être remis à 9 heures sans faute ? (Il consulta sa montre.) Dans soixante-dix minutes.

— Acte de foi pur et simple, peut-être.

— Peut-être.

— Je ne vais pas discuter. Tu as sans doute raison de penser que c’est en partie un coup de l’intérieur. Est-ce que quelqu’un a vu la voiture ?

— Mme Kromberg l’a entendue. Les autres jouent les stupides, ou le sont.

— Et personne ne s’est trahi ?

— Non. Ces Mexicains et Philippins sont durs à décrypter, dit-il avant de s’empresser d’ajouter : Non que j’aie aucune raison de soupçonner les jardiniers. Ni Felix, d’ailleurs.

— Que dirais-tu de Sampson lui-même ?

Il me regarda d’un air ironique.

— N’essaie pas d’être brillant, Lew. Les intuitions, ça n’a jamais été ton fort.

— C’est juste une hypothèse. Si Sampson est imposé à 80 %, cette petite mise en scène facile peut lui rapporter quatre-vingt mille billets.

— J’avoue que ça peut s’envisager…

— Ça s’est déjà envisagé.

— Mais dans le cas de Sampson, ça serait ahurissant.



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