Choses dont je me souviens by SOSEKI

Choses dont je me souviens by SOSEKI

Auteur:SOSEKI
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Editions Philippe Picquier
Publié: 2013-02-17T16:00:00+00:00


* * *

1. Sôseki a utilisé le mot fûro, chaque kanji lu séparément voulant dire le vent (kaze) et la rosée (ro). Ce terme évoque la nature automnale.

16

La nuit tranquille s’acheva peu à peu. A mesure que les ombres qui enveloppaient la chambre s’éloignaient de ma couche, je pus à nouveau distinguer le visage de ceux qui s’approchaient de mon chevet comme d’habitude. C’était bien celui que je leur connaissais. Et mon cœur était le même que d’habitude. Mon corps allongé bien à plat connaissait un tel apaisement que je me demandais où s’en était allé mon mal, nul mouvement ne m’était requis, et j’étais à mille lieues de me douter que je frôlais la mort. Je me disais avec insouciance que la mort s’en était allée avec la nuit, et sans la moindre méfiance je donnais libre cours au bien-être qui m’envahissait à m’exposer à la lumière du jour qui filtrait à travers les shôji. En réalité, je sais à présent que la mort qui avait épargné l’ignorant s’était faufilée sans que je m’en doute à l’intérieur de mes veines et poursuivait sa course en se nourrissant de mon sang si pauvre. « Son état est critique mais les médecins disent qu’à condition d’observer un repos complet, il peut se rétablir. » C’est une phrase que ma femme a notée sur une page du carnet réservée aux événements de la matinée. Ce n’est qu’après que j’ai su que personne n’osait espérer me voir passer la nuit.

Encore maintenant, je suis en mesure d’évoquer très précisément la couleur et l’aspect du sang que j’avais craché dans la cuvette en émail blanche. Bien plus, pendant longtemps, j’ai vu danser devant mes yeux sans relâche la masse fétide qui commençait à durcir, prenant l’aspect d’une gelée visqueuse. En comparant la quantité de sang que mon imagination se représentait et l’état de faiblesse qui en découlait, je n’arrivais pas à comprendre comment une seule hémorragie pouvait avoir une répercussion si violente sur le corps. Quand j’ai su qu’un être humain meurt s’il perd la moitié du sang qui coule dans ses veines, qu’il sombre dans le coma s’il en perd le tiers, même en mettant sur l’autre plateau de la balance imaginaire, celui de la vie, le poids du sang que j’avais d’abord craché sur l’épaule de ma femme, je n’arrivais pas à me dire que j’avais survécu grâce à l’impossible.

Sugimoto repartit le matin même. Il expliqua qu’il aurait souhaité rester plus longtemps, mais il était très occupé et se voyait dans l’obligation de partir ; cependant son intention était de me soigner du mieux qu’il pourrait. Lorsqu’il vint s’asseoir à mon chevet, après s’être changé, pour mettre un col frais et une cravate, je me rappelai le moment où en pleine nuit, vêtu du yukata de l’auberge qui était trop court pour lui, il avait entrouvert sans bruit un shôji et s’était enquis de mon état auprès de Morinari-san. Sugimoto-san, c’est le seul détail qui m’est resté en mémoire, s’était tourné vers ma



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