Charlie by François David

Auteur:François David [David, François]
La langue: fra
Format: epub
Tags: clochard, SDF, sans domicile fixe, sans-abri, mendicité, collège, quatrième, Point'Mag, messe, baptême, baptiser, vélo, amitié, barbe, aumône, amitié, nuisible, déchet, regard, église, squat, récup, tambouille, débrouille, parrain, rebut, alcool, alcoolisme, honte, trottoir, fierté, souillure, exclus, exclusion, déclassé, conseil de discipline, drogue, émotion, poésie, faire la manche, supérette, parents, assistante sociale, hôpital, violence, rue, monde de la rue
ISBN: 9791090685413
Éditeur: Editions Le Muscadier
Publié: 2014-11-17T13:56:22+00:00

Chapitre 5

Finalement, ce n’est pas vrai que la route Marseille-Aix ne peut pas bifurquer par Rosemare. On peut emprunter d’autres voies. Celles des commérages, des cancans, des ragots pas jolis-jolis. Monsieur Lessort lui-même avait dû en avoir les oreilles qui sifflaient car ce jour-là, il avait prononcé le nom de Rosemare en plein cours et puis il l’avait répété parce que je n’avais pas réagi aussitôt. À cause des rires, j’ai quand même dû abandonner mon rêve, mon attente que le temps passe pour sortir de son cours, sortir du collège, courir…

— Ne vous inquiétez pas, ce n’est rien, Mademoiselle Luce Cabrero n’est pas là. On pourrait croire qu’elle est présente, sous prétexte qu’elle est assise presque droite sur sa chaise de bois verni, et qu’elle n’est même pas arrivée en retard aujourd’hui, qu’il n’y a pas de place inoccupée dans notre chère salle 8 tout au bout du deuxième étage. Erreur ! Ô illusion de la vision ! Contrairement à toute apparence, Mademoiselle Cabrero est loin, elle est partie très loin de nous. Mademoiselle Cabrero est devant le Point’Mag.

Pour le coup, j’étais réveillée. Mais je ne comprenais pas ce qui se passait. Surtout, l’allusion à Point’Mag, et tout ce qui lui était associé, dans la bouche de Monsieur Lessort, était pour moi non seulement inattendu, mais une souillure. Et je ne voulais pas qu’il salisse. Pour rien au monde. Il n’avait pas le droit.

Pourtant il enchaînait déjà :

— Sans doute est-ce pour cela que Mademoiselle Cabrero délaisse un petit peu ses études. Mademoiselle Cabrero n’a pas le temps. Elle a d’autres préoccupations.

Est-ce possible qu’il y ait tout à la fois un profond silence et de grands rires, les deux mêlés ? Rien du tout et en même temps, des grands éclats de rire ? En tout cas, c’est ce que j’ai ressenti. Et je ne sais pas ce qui me gênait le plus, le silence, le silence pesant, poisseux, pas du tout comme avec Charlie ? Ou bien les rires ? Parce que je ne percevais pas si c’étaient des rires nerveux ou des rires complices. Avec les autres profs, c’est certain, Nadia, ou Ludo, ou surtout Maddy seraient intervenus rapidement pour lui demander d’arrêter de s’en prendre à moi. Mais avec Monsieur Lessort, c’était différent. C’était comme s’il transformait les élèves et qu’ils cessaient d’être eux-mêmes en sa présence.

Et il poursuivait, il déversait sur moi son venin, il semblait qu’il n’allait jamais arrêter :

— Ah ! Mais oui. Elle nous abandonne, Mademoiselle Cabrero. Ma parole, elle nous quitte. Elle s’envole. Elle est au-dessus de ça… À moins que… À moins que… À moins que ce ne soit au-dessous.

Monsieur Lessort se mit alors à élever la voix, sur une note aiguë, criarde, insupportable alors qu’il l’aurait voulue noble.

— Oui, est-ce au-dessus ou au-dessous ? Qu’en dites-vous, Mademoiselle Cabrero ? Allez ! Allons ! Allons, Luce, ma parole, il faut nous dire ! S’asseoir avec les délaissés, les déclassés, les abandonnés, les exclus… Que l’on peut nommer aussi bien les

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