Cérémonie by Bertrand Schefer

Cérémonie by Bertrand Schefer

Auteur:Bertrand Schefer [Schefer, Bertrand]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 2818014913
Google: YAlBh-JsAR4C
Éditeur: P.O.L
Publié: 2012-02-14T23:00:00+00:00


Je reste longtemps devant les arbres noirs et les lampadaires qui s’éteignent une heure trop tard. Un verre à la main et quelques films à voir m’obligent à ne pas trop penser. Je regarde ma chaise depuis le lit, je me lève pour m’asseoir et me mettre à ma table : une pensée vient vague et obscure et j’entends les chats dans le couloir, le blanc et le noir, passant par la chatière que l’un d’entre nous, il y a longtemps, a fait installer au bas d’une grosse porte grise. Les statues et les grilles sur la colline sont prises dans la lumière rose des réverbères, les couples s’embrassent toujours sur le même banc, et juste sous mes fenêtres, ces arbres aux troncs étranges, énormes, figés, minéraux. Le soir ici ne tombe pas comme ailleurs, il vient plus vite mais laisse une phosphorescence dans l’air qui continue d’éclairer le ciel tandis que toute la végétation est déjà plongée dans l’obscurité, complètement noire, comme dans ce tableau de Magritte auquel on ne peut pas ne pas penser ici. On le voit mieux encore en revenant de l’aéroport, parce que la ligne d’horizon à cet endroit est vaste, la mer n’est pas loin, tout le paysage est horizontal et dégagé, il y a comme un soleil invisible qui irradie une partie de la nuit. Je le redis certains soirs : les arbres ici sont noirs.

Tout est fragile, cette chaise et ce bureau font semblant de m’appeler à d’autres tâches et je tourne autour, je feins de m’occuper du reste. Je laisse mon regard partir sur l’allée avec les réverbères et les arbres noirs, avec les gens qui passent. Il y a la passeggiata d’en haut et celle d’en bas, plus épaisse et plus pesante à cause des magasins, où les Romains se rassemblent pour acheter, dépenser un peu d’argent dans le quartier pauvre du quartier chic, leur boulevard Saint-Michel. Je ne veux pas même déplier mes jambes ni aller dans la cuisine me chercher un autre verre, j’ai trop peur que ça lâche. L’ombre menace, les plis du rideau rouge qui masquent une partie de l’allée avec les arbres et les grilles et les amoureux me menacent aussi par leur distraction. Je me cramponne à tout ce qui vient. Tous les jours je descends pour remonter des sacs pleins et j’étale sur les murs et les étagères de chez moi des images, des livres, des objets. Je vais le matin jusqu’en début d’après-midi errer dans les rues, souvent par les mêmes chemins. Je vais dans un pèlerinage invisible, entrant dans la librairie française, y achetant tout ce qui me tombe sous la main, des titres, surtout des titres, des mots sur des couvertures qui mis à la suite finissent toujours par faire une phrase. Un an Dans le labyrinthe Comment c’est Là-bas La douleur. Un jour, en passant devant cette librairie, elle avait conçu un projet : empoisonner le gérant pour prendre sa place et venir vivre ici où tout semblait plus facile, il y a longtemps.



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