Celles qui restent by Samuelle Barbier

Celles qui restent by Samuelle Barbier

Auteur:Samuelle Barbier [Barbier, Samuelle]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Hugo Roman
Publié: 2020-09-03T08:13:10+00:00


3

Marielle

* * *

Ils sont là, alignés en rang, à m’observer. Sept, comme les sept nains. Je pourrais être leur Blanche-Neige, mais m’est avis que, pour le moment, je leur fais plutôt figure de vilaine sorcière. Les parents, depuis les gradins, m’observent aussi, en chuchotant entre eux. Avec mes soixante-seize ans, mes bras qui pendouillent un peu, mon bonnet de bain vissé sur la tête, mes lunettes de piscine dans une main et ma ceinture à flotteurs dans l’autre, je fais tache dans le paysage.

Thomas, le maître-nageur, me fait signe de poser ma ceinture sur le banc, et j’obtempère.

– Aujourd’hui, les frites ! s’exclame-t-il en tapant dans ses mains.

Je reste une seconde interdite, mais je percute en voyant les sept nains se précipiter sur des boudins colorés qui n’évoquent pas le menu à venir.

Je me demande quoi faire quand une minuscule silhouette arrive dans ma direction. Elle doit avoir sept ans, à tout casser. Elle me considère de haut en bas.

– T’es qui ?

Je ne sais pas trop ce qu’elle me demande. Est-ce que c’est un vrai « t’es qui ? » ou est-ce un « qu’est-ce qu’une vieille comme toi vient faire là ? » Dans le doute, j’opte pour la première option.

– Je suis Marielle.

Elle hoche la tête, comme si ça lui convenait.

– Je suis Louise.

Et elle me tend un boudin violet.

– Tiens, une frite violette. Comme ton maillot.

Je la prends, reconnaissante.

Louise va se chercher une frite et en profite pour faire un bisou rapide à une dame d’un certain âge, pour ne pas dire d’un âge certain. Sûrement sa grand-mère. Elle me désigne du doigt.

– C’est ma nouvelle copine, Marielle.

La dame me sourit et, soudain, ma gêne disparaît.

Je me retrouve à faire la grenouille dans le grand bain, une frite sous les aisselles. Au milieu de Louise, mais aussi Théo, Lucas, Jeanne, Perrine, Marcus et Laurie. « On est tous copains », m’a déclaré Louise en faisant les présentations entre deux battements de jambes.

Les gnomes n’ont plus peur de moi et me sourient tous. Les parents aussi sourient. Une fois la curiosité passée, ils ont sorti les appareils photo et mitraillent les bambins.

Je m’attendais à avoir peur. D’ailleurs, avant d’entrer dans le bassin, j’avais un peu d’appréhension. Mais Louise a calé sa frite sous les aisselles, et a sauté sans hésiter. Je serais passée pour quoi, moi, si j’avais hésité ? Et c’est drôle, parce que je m’amuse comme une folle. Ça fait des années que je n’avais pas ressenti autant de joie qu’à faire la grenouille pendant une heure.



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