Ceci est mon corps by Jean-François Beauchemin

Ceci est mon corps by Jean-François Beauchemin

Auteur:Jean-François Beauchemin
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 978-2-7644-1708-9
Éditeur: Québec Amérique


Ce furent presque toujours les animaux qui m’initièrent aux apprentissages les plus importants. J’apprenais d’un vieux cheval la tranquillité que nous avons tant de mal à établir en nous-mêmes. J’ai suffisamment observé les ânes pour soupçonner que cette douceur dans le regard, cette désinvolture dans leur façon de nous servir ont quelque chose de tendre à notre égard. Un chien fut l’un de mes meilleurs professeurs. Nous avions toi et moi recueilli ce blessé venu lécher sa patte à l’ombre de notre jardin. Un mois d’un contact étroit et de soins attentionnés nous transforma à ses yeux en deux êtres adorés. L’instinct, cette sensibilité terrible et pure, et dont la pensée est au moins en partie la messagère, condamne les bêtes à l’étonnement le plus perpétuel. Mais leur ahurissement n’est pas le nôtre, qui n’est jamais accompagné d’une sorte d’amour. Je profitai, à la fin, d’un voyage à Sidon pour reconduire l’animal à l’endroit qui lui convenait le mieux. Les rues de nos villes, encombrées de chats, pleines de senteurs et envahies par la vermine, sont un paradis pour les chiens. Je le laissai là bien malgré lui, attaché à un pilier. Un enfant finirait bien par dénouer cette corde. Mais je fus accueilli à la maison trois jours plus tard par des aboiements et des sauts de joie. Tu t’amusas de ce retournement de situation, tu t’émerveillas de ce que l’animal ait pu retrouver sa route, qu’il m’ait même devancé sur le chemin du retour. Mais j’étais songeur. Je me penchai sur ce museau, sur ces yeux qui voyaient plus clairement que les miens. Un monde d’extases simples et de courts chagrins y brillait. Je ne veux pas ajouter à tous les lieux communs sur la fidélité, la miséricorde des chiens. Mais celui-là m’avait pardonné, du seul fait que je posais à nouveau le regard sur lui. Une si touchante indulgence nous décida à le garder. Le soir, il vint à moi naturellement, recherchant à l’évidence l’apaisement que procure la voix humaine à ceux de son espèce. Je lui donnai ce qu’il mendiait : un sourire — car ces animaux sont les seuls à reconnaître la bonté sur un visage d’homme —, des caresses, quelques mots d’affection banals. Un museau vint se poser sur mon genou, comme on pose le pain sur la table. On ne mesure pas bien ce que pèse le mot communion, et ce qu’il contient d’amour, tant que l’on n’a pas senti sur les doigts une chaleur aussi parfaite que celle d’un chien, un être dont le seul véritable objectif est d’aimer. Ce que d’autres virent et appelèrent des anges, je l’ai vu dans le regard éperdu d’une de ces bêtes. Des esprits curieusement imaginatifs ont prétendu que Gabriel, un archange, serait apparu à ma mère et à Zacharie, le père de mon cousin Jean-le-Baptiseur, pour leur annoncer notre naissance virginale. Je voudrais que ces gens-là aient tenu une fois dans la paume la tête d’un chien. Des vérités plus parfaites, plus lisibles et peut-être



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